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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Les frites

J’ai vécu une drôle d’histoire ! Enfin drôle, façon de parler. En guise de drôle, le qualificatif le plus approprié serait plutôt « terrible ». Comme quoi le vocabulaire a toute son importance. Certains Instituts médico-sociaux ont la chance de ne pas se faire livrer des repas en liaison froide, du style Sodexo ou Api. Ados et préados partent avec leur éduc dans différentes cafétérias de la ville chaque jour de la semaine. Je ne savais même pas que ce concept existait. J’ai mangé mauvais pendant trente ans et je trouvais affreux qu’on prive du plaisir gustatif tous ces petits gosses cabossés ! Ma révolte personnelle, à l’époque, n’avait pas suffi à bousculer le cours des choses. Aller dans une cafet’, choisir, manger des mets goûteux ‒ ce n’est pas Bocuse, ok, mais ce n’est pas MacDo non plus et surtout pas des plats réchauffés insipides ‒, rencontrer des gens ordinaires et côtoyer la vraie vie pendant une heure, j’aurais adoré. Cette heure peut être un joli moment. Et c’est le cas pour ceux qui savent s’attarder sur des moments heureux. J’aperçois six petits loulous débarquer dans la cafet’, se servir abondamment de frites sous le sourire amusé de l’adulte qui les accompagne. Ils traversent la salle avec leur plateau et s’installent. Je n’entends pas ce qu’ils se racontent mais leurs mines réjouies et leurs corps en mouvement en disent long sur l’ambiance relationnelle de la tablée. Soudain tout le petit groupe se tait et lève le nez vers une table éloignée. Je fais de même, car un adulte se met à hurler, en constatant que les gamins qu’il accompagne ont pris des frites. Il se lève, énervé, vide toutes les assiettes dans la poubelle et leur demande de choisir autre chose (ils ont baissé la tête, honteux, et sont retournés prendre du riz ! Et toc...). Malgré tous les yeux rivés sur lui ‒ le resto était plein ‒ il a continué à faire la morale aux gamins maigrelets. Oui, c’est ça le clou, pas un en surpoids ! Ceux de la première table ont rabaissé leur nez dans leur assiette en ronchonnant leur indignation prenant à partie leur éduc. Ce dernier n’a pas risqué de se mêler des affaires des autres, même s’il n’en pensait pas moins vu la mine qu’il faisait ! Cette colère qui débarque déploie une violence inouïe et d’aussi loin que je regarde, j’ai la conviction qu’elle n’est pas appropriée. Elle ne parle pas des frites (enfin peut-être de celles dont il a sans doute été privé, enfant), mais d’un pouvoir qu’il s’octroie pour ratatiner des plus petits que lui. Ça donne à réfléchir sur le rôle que tout adulte incarne auprès d’enfants. Il a la chance de ne pas avoir créé d’émeute ! Moi, à leur place, j’aurais tout envoyé valdinguer malgré les représailles encourues. Il est temps pour lui qu’il change de boulot... peut-être dans la restauration, non ? Ça lui éviterait de gâcher l’avenir de petits mômes en devenir et de renvoyer une image méprisable de la fonction éducative.


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