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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Devant la gare

Ça monte, ça descend, ça accélère le pas, ça se bouscule et ça grogne. Un train à prendre, un car à ne pas louper, des enfants à déposer au périscolaire avant de rejoindre un collègue pour covoiturer et cette pluie cinglante et glaciale qui fouette les visages, gâche les brushings matinaux et rend l’humeur belliqueuse. Non loin de l’agitation ‒ et même carrément sur le passage de cette foule égocentrée ‒, un couple d’africains et deux enfants ‒ un an et quatre ans ‒ dorment sous le haut-vent de métro-vélo. Oui, nous sommes en novembre 2022, il pleut, il vente, le jour se lève à 8h, la nuit tombe à 17h30 et je n’imagine pas ce qu’ils ont pu vivre dans leur pays pour le fuir ! Des couvertures de fortune, une poussette et des jouets qui s’accumulent de jour en jour. Il faut les éviter pour ne pas risquer de se prendre les pieds dedans et se retrouver les quatre fers en l’air, le nez dans le drame innommable qui se déroule sous les yeux de ces passants pressés de vaquer à leurs occupations, déterminés à fermer leurs écoutilles sur les sentiments ambivalents qui les bousculent. Je suis une passante, ils sont mes voisins et je me coltine mon impuissance à leur venir en aide. Que sont quelques habits chauds, des couvertures en polaire, des jouets, du pain, du lait, des friandises et mes yeux embués ? La manière la plus accommodante de solder ma culpabilité ? Des bébés blottis entre leurs parents passent des nuits dehors quand je me plains d’avoir frisquet à 19 degrés dans ma maison confortable. Le seul bénéfice de cette situation intolérable est de remettre les pendules à l’heure ! Il a fallu trois semaines avant qu’une association trouve un toit à cette famille, trois longues semaines alors qu’il existe trois millions de logements vacants en France et quinze mille dans ma région. Y’a de quoi devenir violent, hurler de désespoir, monter au créneau ou se révolter. Eux ont su patienter en toute discrétion.


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