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► BILLET - Le billet de La Plume Noire : quand le Travail Social se fait justice

Akim a piqué les téléphones portables et les clés des deux bagnoles de service. Personne ne l’a vu mais c’est sûr, c’est lui. Ce vendredi, il était venu sur l’Accueil de Jour et comme à son habitude, il s’était fait remarquer. Toujours exubérant avec son look de travesti tout droit sorti d’un film d’Almodovar, mais en moins classe et plus précaire, il n’avait pas tardé à parler fort au téléphone sans oublier de lâcher quelques insultes bien senties accompagnées de son grand rire de folle pour ensuite mimer une pole dance en se frottant sur le poteau placé en plein milieu de la pièce. Mais, Akim était fatigué. Il n’avait pas dormi de toute la nuit et accusait encore les effets de son traitement à retardement administré par piqûres à raison d’une toutes les trois semaines. Alors, Lucas, coordinateur de l’Accueil de Jour lui avait proposé de se reposer dans la salle prévue pour ce genre de situation. Un lit de camp assez confortable, un coussin, une couverture et Akim s’était endormi comme un bébé.
Le lundi matin, les portes de certains bureaux étaient cassées. Des téléphones avaient disparu ainsi que des clés et les deux voitures qui allaient avec. Voitures rapidement retrouvées, le lendemain, complètement défoncées.
C’est sûr, le vendredi, on avait oublié, lors de la fermeture des locaux, de réveiller Akim qui s’était ensuite retrouvé seul dans les locaux. Une rapide inspection des lieux lui avait permis de prendre ce qu’il avait pu, puis sautant la barrière il s’était échappé en passant par la cour de l’église contigu à l’association. Quelques coups de fils à deux trois potes et les voilà partis en vadrouille et en voiture pour une belle soirée de délire et de défonce. Akim vit au jour le jour et au présent. La vie lui a déjà tellement pris qu’il saisit le moindre instant de bonheur qui passe à sa portée sans se soucier des conséquences. Néanmoins, ce couillon avait involontairement signé son forfait. Réveillé vers 20 heures le vendredi soir, il avait, dans un premier réflexe, appelé son ancienne éducatrice de foyer lui expliquant qu’il était enfermé au sein de « La termitière ». Pas folle, la Zéduc s’était empressée le lundi matin de joindre la structure pour leur exposer les faits. Ni une ni deux, une plainte est déposée. Akim nie. Ce n’est pas lui. Il s’est effectivement réveillé seul au milieu de nulle part, ce fameux vendredi soir ,mais il s’est contenté de sortir sans rien emporter avec lui.
Pendant quelques jours Akim est de toutes les discussions dans les salles de réunions ainsi que dans les couloirs. La question de son exclusion se pose. François Durand, éducateur spécialisé de son état, fait valoir la présomption d’innocence. Une plainte a été déposée argumente-t-il et après tout autant laisser la police et la justice faire son travail. On ne peut pas, insiste-t-il, saisir l’institution judiciaire et dans le même temps, se faire justice soi-même. Mais selon, la cheffe de service ce forfait ne peut rester impuni. La structure doit marquer le coup. Il y va de sa crédibilité. Ne rien faire c’est laisser la porte ouverte à toutes les dérives. Face à la cheffe, les Zéducs autour de la table se taisent. Et puis, certains et certaines sont bien contents de voir Akim prendre la porte.
La sentence est sans appel : interdiction de venir sur l’Accueil de Jour pendant six mois.