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■ ACTU - oubliés du Ségur : Une revalorisation a minima

Le 18 février, le Premier ministre organisait la Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social. Pour la préparer, les associations du réseau Uniopss-Uriopss avaient encouragé leurs adhérents à une forte mobilisation. Très suivie, celle-ci a payé à court terme. Le moyen terme, lui, reste flou, assombri par l’obsession de réaliser des économies sur le dos des plus fragiles.

183 euros. Après une longue gestation, la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social accouche d’une revalorisation des salaires des oubliés du Ségur. Cette mesure devrait bénéficier à 140 000 éducateurs spécialisés, moniteurs-éducateurs, conseillers en économie sociale et familiale et à 29 000 agents publics. L’État annonce un budget total de plus de 1,3 milliard d’euros sur deux ans, pour redonner son attractivité au secteur médico-social.
Au vu des manifestations de ces derniers mois et des revendications qui en émergeaient, cette simple réparation financière semble un peu courte. « Quand vous vous mobilisez pendant six mois pour obtenir quelque chose et qu’une première phase est accordée, il y a un contentement, accorde Patrick Doutreligne, président de l’Uniopss. C’était loin d’être gagné, les négociations partaient sur des sommes beaucoup plus basses et sans l’engagement des départements qui financent une bonne partie de l’action sociale. »

En revanche, sur les réseaux sociaux, l’annonce de ce coup de pouce suscite une certaine méfiance, comme le résume ce post du groupe « Tu sais que tu es travailleur social quand…  » qui s’attend en retour à un « coup de pied au cul de nos conventions collectives ». En effet, même si les syndicats des salariés ont martelé leur vigilance concernant un nivellement par le bas, le Premier ministre a insisté sur la volonté du gouvernement de négocier une convention unique. « Les conditions annexes concédées dans la convention 66, justement pour ne pas augmenter les salaires, comme le congé trimestriel de six jours, permettent aux travailleurs sociaux de tenir, explique le représentant de l’Uniopss, association qui regroupe 25 000 établissements, soit 750 000 salariés. Le risque est de la voir s’aligner sur la 51 qui offre des débuts de carrière plus intéressants mais des évolutions moins pertinentes, et sans ces temps de récupération.  »
La prudence reste également de mise sur la volonté affichée de favoriser une politique du handicap plus inclusive. Si l’objectif ne peut qu’emporter l’adhésion de tous les acteurs du social, l’envoi du rapport Piveteau (1) la veille de la conférence à 22 heures, interroge sur la méthode. La société inclusive y est présentée comme un objectif idéologique partagé mais porte aussi l’idée d’une désinstitutionalisation permettant de faire des économies. « Prévoir un strapontin dans une classe, un atelier ou un stage de formation, ce qui actuellement se fait dans l’Éducation nationale, ça n’est pas notre vision de l’inclusif, prévient Patrick Doutreligne. Une réelle politique inclusive ne fera pas faire d’économies, elle transférera du travail de l’institutionnel vers l’accompagnement des personnes et des familles. »

«  Tu sais que tu es travailleur social quand… »
Tant attendue, cette « grande conférence » peine à convaincre les premiers intéressés, les travailleurs sociaux qui d’ailleurs n’y étaient présents qu’au travers des syndicats. Le président de l’Association nationale des assistants du service social (Anas), Joran Le Gall, s’en offusque sur les réseaux sociaux : « Les professionnel·le·s, n’ont même pas été invité·e·s, quelle honte ! Rien d’étonnant à ce que le secteur soit fui avec un tel mépris !  » La veille, deux organisations patronales, la fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap) et Nexem, publiaient le premier baromètre des tensions de recrutement du secteur sanitaire, social et médico-social privé non lucratif. Il estimait à 30 000 le nombre de postes à pourvoir et comptabilisait 5 300 départs, pour moitié des démissions ou ruptures conventionnelles, entre le 1er juin et le 30 septembre 2021. Or la revendication première des salariés de terrain reste d’obtenir des moyens humains pour accompagner dignement les publics en situation de fragilité. Après des années d’abandon, pas sûr que l’entreprise de séduction de Jean Castex suffise à recoller les morceaux entre le secteur et ses professionnels.

Myriam Léon


(1) Rapport - 15 février 2022
Jean Castex annonce la revalorisation des salaires des métiers de l’accompagnement social et du médico-social