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■ ACTU - Prison. L’OIP mis à l’ombre

Alors que le nombre de personnes détenues bat des records en 2019, l’État et les collectivités territoriales se désengagent vis-à-vis de l’Observatoire international des prisons (OIP). Il tire la sonnette d’alarme.

En cinq ans, l’Observatoire international des prisons (OIP) a perdu 66 % de ses subventions publiques. «  Les aides de l’État et des collectivités territoriales, qui comptaient en 2014 pour plus de la moitié de nos ressources, n’en représentent plus aujourd’hui qu’un petit quart  », alerte l’organisation. Six des huit régions qui la finançaient, deux départements et des partenaires de longue date ont coupé les robinets. Concrètement, en 2019, l’OIP perçoit 282 000 euros de moins qu’en 2014 sur un budget prévisionnel de 750 000 euros.

Clé sous la porte

Ces défections successives mettent gravement à mal les activités de l’association, alors que dans la même période, le nombre de personnes détenues s’est envolé, passant de 67 000 à près de 72 000, un record jamais atteint en temps de paix. Conséquences ? Surpopulation, violence, inactivité, perte de sens : «  un cocktail explosif qui fait sporadiquement l’actualité, avant de retomber dans l’oubli  », dénonce l’OIP. S’il touche l’ensemble du secteur associatif, ce désengagement financier reflète aussi pour l’Observatoire un choix, celui de ne pas soutenir une association souvent critique vis-à-vis des politiques publiques.

« Ce désengagement fait aussi fi de nos actions, alors que nous sommes un interlocuteur essentiel pour les dizaines de milliers de personnes, détenues ou proches de détenus, confrontées à une incarcération, dont l’ensemble des repères sont alors bouleversés », poursuit l’OIP. Depuis sa création en 1990, l’organisation constitue un pilier du monde carcéral. Elle publie des rapports qui font du bruit, la revue trimestrielle Dedans-Dehors, un ouvrage de référence : Le guide du prisonnier et anime un site internet d’information. Elle livre une expertise et constitue l’une des principales ressources en matière d’information sur la prison. L’OIP est également une force de proposition respectée et attendue pour les institutions, parlementaires, corps d’inspections ou groupes de travail ministériels qui sollicitent son analyse sur le milieu carcéral. C’est enfin et surtout un garde-fou essentiel contre les abus de pouvoir, « dans un monde clos, invisible, où il est tellement aisé de les faire prospérer et de les cacher ». 

Henri LECLERC

Sursaut citoyen

L’ensemble de ses actions étant aujourd’hui menacé, l’OIP appelle à un sursaut politique, citoyen et à un soutien financier avec un appel au don. Objectif : réunir 100 000 euros au 30 novembre. Au 14, elle a déjà récolté 70 956 euros. La preuve, s’il en fallait une, que l’organisation est considérée comme indispensable. Un détenu le confirme : « Vous ne vous rendez pas compte de ce que ça fait de recevoir un courrier de l’OIP. Ici les surveillants ont arrêté de m’emmerder et se sont mis à m’appeler Monsieur ! »