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■ ACTU - Placement à l’hôtel • Un phénomène d’ampleur

« On va inscrire l’interdiction de placer des enfants dans des hôtels », annonçait, à la suite de la diffusion le 27 janvier du documentaire de Pièces à conviction, le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles Adrien Taquet promettant le vote d’une loi d’ici la fin de l’année. Le rapport qu’il avait commandé à l’Inspection des affaires sociales il y a un an, publié le 26 janvier, montre l’ampleur du phénomène.
Les jeunes mineurs relevant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et hébergés dans des structures non autorisées seraient entre 7500 et 10 000 en France. Au moins 5% des mineurs protégés étaient hébergés à l’hôtel fin 2019, dont « 95% de mineurs non accompagnés » ; 28% des mineurs non accompagnés (MNA) confiés à l’ASE seraient pris en charge à l’hôtel, selon le rapport.
Cette pratique concerne l’ensemble du territoire, puisque 20 des 29 départements ayant répondu à l’enquête comptabilisaient au moins un mineur à l’hôtel. Néanmoins, ce phénomène se concentre sur quelques départements franciliens et du Sud de la France. Ainsi, trois départements recensent 62% des jeunes hébergés à l’hôtel. Dans les Hauts-de-Seine par exemple, 600 mineurs sont à l’hôtel.

La durée du placement à l’hôtel dure « trois mois en moyenne » mais dépasse fréquemment les six mois ou un an. Elle est souvent plus courte pour les plus jeunes qui accèdent ensuite à un hébergement autorisé par l’ASE et plus longue pour les plus âgés, qui y restent jusqu’à 18 ans. Sur le plan financier, le « coût unitaire moyen » de l’hébergement hôtelier est établi à 77€, « soit moins de la moitié du prix de journée en maison d’enfant à caractère social (Mecs) », note le rapport.

Ambiguïté des départements

Le rapport pointe « les dangers » de ce type d’hébergement : « faible contrôle de la qualité des lieux, promiscuité, isolement, présence très inégale de personnels éducatifs, proximité des lieux de trafics ». Les départements évoquent une solution « par défaut », liée à la rapide croissance du nombre de MNA. Mais certains considèrent cette réponse comme « relativement adaptée aux particularités des MNA », jugés plus autonomes. Le rapport souligne l’ambiguïté de leur discours.
Des départements ont lancé des appels à projet pour sortir les MNA de l’hôtel. La plupart portent sur de l’habitat « semi-autonome ou diffus ». Mais le rapport pointe des prix de journée « extrêmement bas, parfois inférieurs à 50€ », qui « interrogent à minima sur le contenu socio-éducatif du suivi ».

Pour les « cas complexes »

Hors les MNA, seule « une minorité de départements recourt à l’hébergement hôtelier » et pour de courtes durées : entre deux modes de prise en charge, par exemple. L’hôtel est aussi utilisé pour des « cas complexes » - « jeunes ayant des troubles du comportement », qui mettent en péril les structures d’accueil collectif. Le rapport note le manque de structures adaptées à des profils relevant à la fois de l’ASE et d’une prise en charge médicosociale.
Le gouvernement aura donc fort à faire pour trouver des solutions alternatives à cet hébergement hôtelier.