■ ACTU - Pédopsychiatrie • Nouvelle Forge en surchauffe.

Un hôpital de nuit pour les enfants vivant avec des troubles psychiques est menacé de fermeture dans l’Oise. Les professionnels et les familles se mobilisent pour maintenir ce dispositif singulier.

© collectif hôpital de nuit

« Fermeture immédiate et définitive ». Le 18 mai, en visioconférence, l’équipe de l’hôpital de nuit du centre de psychothérapie et de rééducation de l’association la Nouvelle Forge entend, sidérée, la nouvelle de la bouche du directeur du pôle sanitaire de l’association la Nouvelle Forge. Cette structure singulière s’inscrit dans l’histoire de la psychothérapie institutionnelle. Créée après guerre, dirigée par François Tosquelles dans les années 1970, l’association la Nouvelle Forge compte aujourd’hui vingt-quatre établissements dans l’Oise et la Somme. Elle accompagne des enfants, adolescents et adultes qui vivent avec des troubles psychiques et des troubles du comportement.

« Ici pas de blouses blanches, une odeur de gâteau sorti du four vous accueille », raconte l’équipe dans un texte lu sur une radio locale, installé dans une maison familiale avec jardin, l’hôpital de nuit près de Senlis dans l’Oise suit 35 enfants avec des problèmes d’endormissement, des troubles divers du comportement, problèmes de séparation, d’apprentissages scolaires… L’équipe reçoit chaque nuit sept enfants et un huitième sur une période de trois semaines (pour un séjour de répit ou un projet d’orientation en internat). Quatorze professionnels, éducateurs spécialisés, infirmiers, maîtresse de maison et psychologue se relaient auprès d’eux. La même équipe, deux éducateurs et/ou infirmiers et une maîtresse de maison, accueille l’enfant 16h à 9h le lendemain matin. « Nous dépassons volontairement les cadres horaires pour pouvoir travailler la continuité avec les enfants, créer une ambiance familiale, qu’ils s’endorment avec les même personnes qu’ils vont trouver au réveil », explique une éducatrice spécialisée.

Continuité éducative

C’est le principe de cette structure : construire un cadre sécurisant face aux angoisses et cauchemars. Or, c’est justement cette amplitude horaire, hors cadre, qui est avancée pour justifier une fermeture. Autre problème évoqué : les travaux, coûteux, que nécessiterait le lieu. L’équipe se dit prête à déménager même si, à l’origine, le choix d’une maison pour sortir les enfants et leurs familles de l’ambiance de l’hôpital faisait partie intégrante du projet.

Depuis le 16 mars, crise sanitaire oblige, l’hôpital de nuit ne reçoit plus d’enfant. Les professionnels en télétravail appellent les familles toutes les semaines pour les soutenir. A l’approche du déconfinement, il est demandé à l’équipe de les questionner sur leurs besoins d’accueil. Le 18 mai, les professionnels sont censés présenter leur protocole de reprise. Ils n’en ont pas le temps. Le directeur leur annonce la fermeture immédiate de la structure. « Nous étions choqués. Nous savions que ce dispositif était menacé depuis des années mais nous pensions que nous aurions le temps d’arrêter doucement l’activité, d’y préparer les enfants et les familles », réagit l’éducatrice spécialisée. Rien n’est prévu. Alertés les délégués syndicats et les membres du comité social et économique assurent ne jamais avoir entendu parler de ce projet. « Comment était-il possible que nous n’étions pas informés de cette fermeture ? Embarrassée, la direction nous a assuré que le document nécessaire nous serait proposé », témoigne Rachid Zehar, délégué CGT à la Nouvelle Forge.

Maladresse de communication

Contactée, la directrice générale de l’association, Valérie Paparelle, avance « un mouvement d’emballement à partir d’une réflexion sur le projet d’établissement mais pas de fermeture prévue ». Que s’est-il donc passé lors de cette réunion ? « Une maladresse dans la communication », assure-t-elle. D’ailleurs, depuis ce directeur de pôle a fait l’objet d’une rupture conventionnelle. « C’est un fusible, ils espèrent que son départ va calmer le jeu mais il n’a fait qu’appliquer ce qui lui était demandé », affirme Rachid Zehar. Valérie Paparelle reconnaît en effet que « réfléchir à des lits de répit fait partie des pistes prioritaires mais pas forcément dans ce cadre là ». « La mode est à l’ambulatoire, à la désinstitutionalisation », renchérit Rachid Zehar.

Si la direction recule, l’équipe reste pour l’instant mobilisée. Réunis en un collectif de l’hôpital de nuit, professionnels et familles des enfants suivis ont lancé une pétition en ligne qui comptait 1250 signatures ce lundi. Une centaine de personnes, selon les syndicats, ont manifesté devant l’hôpital le 26 juin.

Pour les salariés, cette menace de fermeture est l’arbre qui cache la forêt d’une réorganisation générale de l’association. Juste avant sa disparition en 1994, François Tosquelles, invité à participer à un ouvrage collectif concluait sa contribution ainsi : « Je reste convaincu que tant qu’il y a des hommes à la surface du monde, quelque chose de leur démarche reste acquis, se transmet, disparaît parfois, mais aussi ressurgit quoi qu’il en soit de catastrophes mortifères qui nous assaillent souvent ».