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■ ACTU - Loi anti-squat et Logement d’abord : le grand écart gouvernemental

Adopté à grand coups de communication en 2018, le plan « Logement d’abord » peine à atteindre ses objectifs… faute de logements. Or la construction d’habitations à loyer modéré, social et très social, se fait attendre. En 2021, 90 000 ont obtenu les financements nécessaires au lancement des chantiers, malgré un objectif affiché du gouvernement d’en sortir 125 000 par an.



Contre la loi anti squat, l’association Droit au logement (DAL) annonce 2000 manifestants à Paris ce samedi et des centaines d’autres à Grenoble, Saint-Étienne, Nancy, Nantes, Bordeaux... ©DAL

La rénovation du parc existant et la captation de logements privés aux loyers conventionnés ne parviennent pas, non plus, à répondre aux besoins. En revanche, le marché de l’immobilier se porte très bien et la spéculation se fait décomplexée. Dans ce contexte, le gouvernement devrait logiquement renforcer la prévention des expulsions, une priorité de l’action publique depuis 2014, réaffirmée avec la politique du « Logement d’abord ».

Pas de Logement d’abord, sans logement

Or le 2 décembre, une loi « anti squat » proposée par la majorité présidentielle est adoptée en première lecture emportant les voix de la droite (LR) et de l’extrême droite (RN). Non seulement, la loi Kasbarian-Bergé renforce la répression déjà existante des squatteurs, mais elle facilite les ruptures de bail et accélère les expulsions. Présentée comme un outil de défense des petits propriétaires, elle criminalise les impayés de loyers ou les locations sans bail (souvent du fait de marchands de sommeil). Pire, après avoir mis en place une machine à fabriquer des habitants sans droit ni titre, elle les menace de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.



Censée protéger les petits propriétaires, cette loi risque surtout d’augmenter les expulsions. ©DAL

Se loger n’est pas un crime

En parallèle de l’appel au rassemblement devant le Sénat jeudi dernier et à des manifestations partout en France samedi signifiant que "se loger n’est pas un crime", les dirigeants de la Fédération des acteurs du social et de la Fondation abbé Pierre ont adressé un courrier au Président et à la Première ministre. Ils y soulignent que « cette proposition de loi est née d’une confusion entretenue entre les rares cas de squats de domicile (170 signalés par an, qui sont déjà pénalisés et régis par des règles d’expulsion rapide en 72 heures), et d’autres situations bien plus nombreuses, comme les squats de bâtiments vacants ou le maintien dans leur logement de locataires condamnés à l’expulsion ».

Les acteurs de la lutte contre le sans-abrisme préviennent que « sa mise en œuvre aurait pour conséquence d’augmenter le nombre d’expulsions… Elle conduira également à la rue des milliers de personnes supplémentaires, expulsées ou n’ayant d’autre choix que de s’abriter dans un squat, alors que le secteur de l’hébergement est totalement saturé. Rappelons que près de 5 000 personnes (dont 1 000 enfants) appellent en vain le 115 chaque soir. » Demain mardi, le Sénat examinera cette loi. Après demain, mercredi, le ministre du logement évoquera le plan « Logement d’abord 2 » lors de la présentation du dernier rapport de la fondation abbé Pierre sur le mal logement. Tout l’art du en même temps…

Myriam Léon


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