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■ ACTU - La Solidarité vue des Hauts-de-Seine


Les professionnels du 92 participent à toutes les mobilisations contre la réforme des retraites, ici le 5 décembre. ©commission de mobilisation du travail social IDF

Dans les Hauts-de-Seine, les professionnels du social se mobilisent face à la dégradation de leur secteur.

« Efficacité », « modernisation », « transformation de l’action publique », « performance de la relation usager ». Le département des Hauts-de-Seine justifie ainsi la réorganisation de son pôle solidarité. « Les équipes et les services ne sont plus spécialisés », annonce-t-il. Il fixe un cap : « la polyvalence des agents ». Les quatre services existants : personnes âgées, protection maternelle et infantile, services sociaux et protection de l’enfance fusionnent. Ils se réorganiseront autour de trois unités : accueil, évaluation, accompagnement. Et les professionnels seront mélangés dans chacune d’elles.

Polyvalent

« Une professionnelle de la protection de l’enfance pourra accompagner une personne au RSA, les assistantes de polyvalence faire un suivi en protection de l’enfance… », avance Maud*, référente socio-éducatif. Le département assure que des formations sont proposées et défend la nécessité d’un décloisonnement des services. « Mais il aurait fallu l’anticiper, nous ne sommes pas préparés à cette réorganisation. Certains collègues pourraient se sentir en grande insécurité face à des situations qu’ils n’ont pas l’habitude d’accompagner », poursuit-elle. Cette réorganisation et la crainte de la disparition des spécificités métier ont mis les professionnels dans la rue, les 21 novembre et 13 décembre.

L’hôtel, seul

La dernière mobilisation a pris un tour dramatique. La veille, dans un hôtel de Suresnes, un adolescent de 17 ans a été poignardé par un autre de 16 ans, tous deux été suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, placés dans cet hôtel par la protection de l’enfance. « Depuis longtemps, nous alertons : les jeunes mineurs à l’hôtel sans suivi éducatif quotidien, cela n’est pas de la protection de l’enfance », s’emporte Maud. « Nous avions prévenu : faute de suivi digne de ce nom, il y aura des drames », renchérit Camille, éducatrice spécialisée en psychiatrie, syndiquée CGT. Le 17 décembre, le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, a annoncé saisir l’Igas pour mener une mission de contrôle de l’Aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine et un état des lieux national « sur la situation des mineurs hébergés dans des lieux non-habilités ». Pour Camille, le constat est depuis longtemps connu des professionnels ; ils attendent des moyens à la hauteur de leurs besoins.

Mode dégradé

A l’Aide sociale à l’enfance, Maud suit 47 situations contre 25 cinq ans auparavant. « Nous ne pouvons plus travailler sur le fond des situations familiales qui amènent au placement. Nous mettons des pansements sur des fractures ouvertes », témoigne-t-elle. « En psychiatrie, nous avons des listes d’attente de 6 à 8 mois pour les CMP, 12 lits d’hospitalisation en psychiatrie adolescente pour tout le secteur Nord, des professionnels en libéral qui ne prennent plus de nouveaux patients », ajoute Camille. Elle observe les difficultés de ses collègues en protection de l’enfance : « Nous suivons beaucoup de jeunes en psychiatrie qui nécessitent des prises en charge en protection de l’enfance. Or, l’absence de place en foyer, les délais très long pour que les mesures de protection soient mises en œuvre, le turn over des professionnels qui quittent le secteur parce qu’ils ne trouvent plus sens à leur métier s’ajoutent aux difficultés de la psychiatrie ». Cette constante dégradation du secteur médico-social, d’autant plus dans un département qui se targue d’un budget excédentaire, nourrit la colère des professionnels.

Ils se sont mis en grève reconductible depuis le 5 décembre rejoignant la mobilisation générale contre la réforme des retraites. « Cette attaque contre les retraites est, pour nous, une attaque de plus des fondements du système de solidarité et de redistribution, elle relève de la même logique de destruction qui touche le travail social et le met à mal », pense Camille. Elle espère que, si le mouvement l’emporte, les revendications sectorielles du travail social « ces invisibles qui accompagnent des invisibles » seront peut-être mieux entendues.

* les prénoms ont été changés, les professionnels témoignent sous anonymat.