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■ ACTU - L’accueil inconditionnel de nouveau en danger

2016, 2017, 2022... le ministre de l’Intérieur s’attaque à nouveau au principe de l’accueil inconditionnel dans l’hébergement d’urgence. Régulièrement, les autorités tentent d’enfoncer ce pilier de l’action sociale auprès des plus démunis. Cette fois, Gérald Darmanin y va à grands coups de circulaire en attendant son projet de loi immigration et asile 2023.

Au-delà d’une entorse aux valeurs qui régissent l’action sociale, cette remise en question va à l’encontre de la loi. Depuis 2009, le législateur Français consacre le droit pour toute personne sans abri et en situation de détresse, d’avoir accès à une solution d’hébergement. Dès son premier alinéa, le Code de l’action sociale et familiale affirme l’inconditionnalité de ce droit. Il est même spécifié un principe de continuité et de stabilité de l’hébergement. Sur le papier, une personne hébergée peut se voir orienter vers une autre structure mais ne doit jamais être remise à la rue.



Le 23 mars 2022 à Marseille, 39 associations et des collectifs interpellent les pouvoirs publics sur le manque de places d’hébergement : "Chaque nuit à Marseille, on dénombre 500 appels au 115 pour deux places d’hébergement disponibles". ©Myriam Léon

Dans une circulaire du 17 novembre 2022, relative à l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), le ministre de l’Intérieur s’exonère de ce texte. Bafouant la législation, le premier flic de France y indique qu’une OQTF induit la suspension des droits et des prestations sociales. Par ailleurs, il se réjouit du travail en cours sur un outil permettant de vérifier le statut administratif des personnes étrangères prises en charge « indûment par l’hébergement d’urgence ». « Aucune condition de régularité ne régit l’accès ou le maintien dans un hébergement d’urgence, rappelle l’association de défense des droits des étrangers, La Cimade. Comme nous le dénonçons depuis des années, la pression continue de s’exercer sur les centres d’hébergement pour qu’ils deviennent des lieux de contrôle et de tri au service d’une machine à expulsion. »

Les travailleurs sociaux ne sont pas des auxiliaires de police

De son côté, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) se dit "extrêmement attentive aux évolutions du cadre normatif de l’action de ses adhérents auprès des personnes étrangères en précarité" et déplore "les formulations qui tendent à assimiler l’ensemble des étrangers à des délinquants ». S’appuyant sur l’expérience de son président — Pascal Brice a été directeur de l’Office Français de protection des réfugiés et apatrides entre 2012 à 2018 —, la FAS désapprouve une « volonté de durcir encore le régime des OQTF alors qu’elles sont délivrées sans discernement au regard des possibilités actuelles ou potentielles d’accès au séjour ». Au contraire, elle se prononce pour « un accès effectif et rapide au séjour aux motifs du droit d’asile, d’une protection complémentaire pour les personnes en détresse humanitaire ne pouvant être renvoyées dans leur pays d’origine, d’une protection environnementale et d’un accès au travail au regard des besoins structurels de notre économie. Les droits à la réunification ou au regroupement familial et l’accès des étudiants étrangers à notre système d’enseignement supérieur doivent être défendus. »

OQTF délivrées sans discernement

Déjà, les textes garants d’un accueil inconditionnel font l’objet d’interprétations plus ou moins généreuses. Dans les agglomérations, difficiles d’échapper à l’errance de personnes qui, soit par peur de l’expulsion, soit par ignorance, soit par saturation des dispositifs d’urgence, se voient reléguées à des formes d’habitat extrêmement précaires, les mettant ainsi en danger sur le plan sanitaire, social et psychologique. La drague décomplexée envers les électeurs d’extrême droite requiert une vigilance extrême des garants d’une société fondée sur les droits de l’homme. En première ligne : les travailleurs sociaux de l’urgence.

Myriam Léon


À lire aussi dans Lien Social n°1250 le dossier : Droit d’asile en péril et dans le 1166, le dossier : Hébergement : l’urgence de solutions