L’Actualité de Lien Social RSS


■ ACTU - Emploi aidé : L’État tire sur l’ambulance

« Fin février, j’ai entamé les démarches auprès de Pôle emploi pour renouveler un contrat "parcours emploi compétence", raconte Isabelle Boyer du collectif des associations citoyennes (CAC). À sa demande nous avions embauché un bénévole en sachant qu’il s’agissait d’un CDD renouvelable de 24 mois et même, comme il avait plus de 58 ans, on pouvait se projeter jusqu’à 5 ans. C’était super pour lui comme pour nous. Mais au moment de signer l’avenant de renouvellement, la conseillère a découvert que les règles édictées en janvier 2021 avaient changé. Le renouvellement ne pouvait plus aller au-delà de six mois. »
Décidément, le gouvernement Macron s’applique à fragiliser le monde associatif. Dès le début du quinquennat, la ministre du Travail, de l’emploi et de l’insertion, Murielle Pénicaud, annonce un coup d’arrêt des contrats aidés qu’elle juge « coûteux et pas efficaces contre le chômage ». Six mois plus tard, le parcours emploi compétence est mis en place… un contrat aidé limité au secteur non marchand. Peut-être qu’entre temps, les ministres se sont penchés sur la réalité, qu’une étude de la Dares rend publique en 2019 : 49 % des personnes ayant effectué un contrat aidé dans le secteur non marchand (CUI-CAE) déclarent être en emploi six mois plus tard et 65 % après trois ans.
Changement de règle en cours de match
Le parcours emploi compétence vise à favoriser l’insertion durable sur le marché du travail en s’appuyant sur l’accompagnement renforcé de l’employeur et la formation. Plutôt moins généreuses qu’auparavant, les aides de l’État supposaient des engagements ambitieux en termes de tutorat et de formations avec un contrôle renforcé. « Le tutorat ça demande du temps, il faut se fixer des objectifs, trouver des outils, s’assurer que la personne va bien, c’est un engagement pour la structure, même si la personne apporte beaucoup aussi, souligne Isabelle Boyer, elle-même tutrice. Réfléchir à des formations et à un projet avec une perspective de vingt-quatre mois minimum qui se réduit à douze, ça perd de son sens. »
Pour l’instant, seules les associations confrontées à la nécessité d’un renouvellement ont découvert cette nouvelle directive. De plus, son application varie en fonction des territoires, les préfets pouvant décider à leur guise. En Île-de-France, le couperet est sévère. Ce sera un renouvellement de six mois maximum sans aucune exception pour les personnes en situation de handicap, les séniors ou les résidents des quartiers Politique de la ville. Pour le Réseau francilien des acteurs du réemploi qui compte quarante-sept structures (ressourceries, recycleries et Emmaüs), ce décret se traduit par une mise en danger du parcours d’insertion de soixante deux salariés et du modèle économique de leurs employeurs.
260 000 suppressions pour 67 632 créations
En 2017, l’arrêt brutal des emplois aidés avait entrainé la suppression de 150 000 emplois en 2017 puis 110 000 en 2018. Fruit de la réflexion de Jean-Marc Borello, président du groupe SOS et pilier de la République en marche, le parcours emploi compétence compensait à la marge ce vaste plan social avec 67 632 signatures. Présenté en 2018 comme tellement plus efficace, cet outil d’insertion est aujourd’hui lui-même jugé trop couteux et doit s’adapter à une enveloppe budgétaire. « Là il n’y a pas de prise de conscience parce que personne n’est prévenu, remarque Isabelle Boyer. Les associations vont le découvrir dans les six mois qui viennent. Si toutes les structures concernées réagissent, ça pourrait faire du mouvement. »

Myriam Léon


Dès le début du quinquennat, la ministre du Travail, de l’emploi et de l’insertion annonce un coup d’arrêt des contrats aidés. Six mois plus tard, le parcours emploi compétence est mis en place… un contrat aidé limité au secteur non marchand.