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■ ACTU -Délit de solidarité • À quand la fin ?

Relaxés. Le 9 septembre, la cour d’appel de Grenoble a cassé la décision du tribunal de première instance concernant les « 7 de Briançon ». Accusés d’« avoir aidé à l’entrée et à la circulation de personnes en situation irrégulière », ces militant(e)s encouraient jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
En décembre 2018, ils avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis pour cinq d’entre eux, douze mois dont quatre fermes pour les deux autres. Lorsque le tribunal correctionnel de Gap prononce cette lourde condamnation, l’ensemble des réseaux solidaires se sent menacé par le « délit de solidarité ».
Le feuilleton juridique commence le 22 avril 2018, quand les « 7 » participent à une manifestation transfrontalière pour condamner une action de Génération identitaire. La veille le groupuscule d’extrême droite (dissous en mars dernier) bloquait un col des Hautes-Alpes pour empêcher les personnes étrangères de passer. Plus largement, la manifestation dénonce les pratiques illégales de l’administration à la frontière franco-italienne. Une vingtaine de personnes exilées avaient alors rejoint le cortège et étaient ainsi entrées en France.

Quatre ans de procédures

L’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un migrant trouve son origine dans un décret du 2 mai 1938 sur la police des étrangers, sauf que celui-ci visait les personnes qui en tiraient profit : réseaux de traite, trafiquants, marchands de sommeil… Depuis la loi n’a cessé d’alourdir les sanctions et élargit les poursuites à « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ». Dans son avis du 2 mai 2018 sur le projet de « loi asile et immigration », la Commission nationale consultative des droits de l’homme rappelle que « ce sont les passeurs et les réseaux de traite qui devraient être poursuivis et réprimés et non celles et ceux qui apportent leur aide aux personnes migrantes ».

Distinguer solidarité et vénalité

Si le gouvernement a refusé d’entendre, la jurisprudence commence à valider la distinction entre solidarité et vénalité. Déjà le 31 mars, la cour de cassation relaxait Cédric Herrou de toutes poursuites. Depuis 2016, la justice poursuivait cet agriculteur pour avoir convoyé environ deux cents étrangers depuis la frontière italienne jusqu’à sa ferme de la vallée de La Roya où il les hébergeait. Après onze gardes à vue, cinq perquisitions, cinq procès, la figure médiatique de l’aide aux migrants croit pouvoir affirmer que la « solidarité n’est plus un délit ». Pas si sûr. Le 15 septembre, un membre de l’Anafé et d’Emmaüs, Loïc, comparait de nouveau devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Poursuivi pour être venu en aide à un ressortissant éthiopien à la frontière franco-italienne en janvier 2018, il a d’abord été relaxé à Nice (2018), puis condamné à Aix-en-Provence (2019), décision cassée par la cour de cassation (2020), ce qui le renvoie devant les juges... Au vu de ces procédures à rallonge, aussi angoissantes que couteuses, des voix s’élèvent pour demander une modification de la loi pour réellement distinguer l’aide humanitaire apportée à titre individuel ou par des associations et l’activité de ceux qui exploitent les exilés pour s’enrichir.

Myriam Léon