■ ACTU - Crise sanitaire • Mineurs abandonnés

« Si il n’y avait pas eu les associations et les collectifs, nous aurions eu des mineurs qui mourraient de faim et seraient à la rue en pleine crise sanitaire », Clémentine Bret, référente mineurs en danger de Médecins du Monde ne cache pas sa colère. Déjà abandonnés en temps normal, les mineurs en procédure pour faire reconnaître leur minorité et leur isolement se sont retrouvés totalement livrés à eux-mêmes pendant le confinement.

Malgré les nombreuses alertes, aucune aide, ni hébergement n’a été proposé à ces mineurs. Pourtant, le 22 mars, le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, l’assurait : « évalué mineur ou majeur, chaque jeune qui le demande sera mis à l’abri ». Une annonce sans effet.
« Une des grosses difficultés pendant cette crise sanitaire, c’était simplement de subvenir à leurs besoins primaires », rapporte la référente. A Paris, les associations les Midis du MIE et Timmy ont distribué plus de 7300 repas.

Distribution de repas par les Midis du MIE © LesMIDISduMIE

Médecins sans Frontières a financé la mise à l’abri en hôtels de 170 enfants à Paris, Bordeaux et Marseille. Les collectifs citoyens ont, de leurs côtés, hébergés 107 mineurs à Paris. La Casa, jeune collectif d’associations parisiennes de soutien aux migrants, a financé en urgence des places à l’hôtel pour 12 jeunes mineurs et trois jeunes majeurs. Parmi eux, quatre jeunes ont été touchés par le Covid 19. Or, impossible de respecter des mesures de confinement à deux par chambre, dans un hôtel qui accueillait également des personnes âgées fragiles. Médecins sans frontières a dû batailler pour réussir à les faire entrer dans un centre spécial Covid destiné… aux adultes à la rue.

Seul, dehors

« Partout, le refus de reconnaissance de leur minorité par les conseils départementaux a servi de prétexte aux autorités pour se renvoyer la balle au détriment de leur santé », dénoncent Médecins sans Frontières et Médecins du Monde. A Paris, entre le 15 mars et le 15 mai, les deux associations, en partenariat avec le Comede, ont réalisé 400 consultations médicales et 730 consultations psychologiques pour des mineurs en recours. « Je ne sais pas si on peut s’imaginer ce que c’est d’être dehors, livré à soi-même, dans la période de confinement, quand plus personne n’était dans la rue, que toutes les portes étaient closes, certains nous demandaient même ce qu’il se passait parce qu’ils n’avaient pas eu l’info sur le confinement », témoigne Clémentine Bret. Si Médecins du Monde a observé une dégradation nette de l’état de santé somatique des 75 jeunes qu’elle suivait, elle a été surtout effarée de l’impact sur leur état psychologique qui a demandé 340 consultations psychologiques ou psychiatriques par leurs équipes.

Face à ces situations, les associations ont fait beaucoup plus de signalements auprès de l’ASE, elles n’ont cessé d’envoyer courriers et alertes aux collectivités, sans réponse. « D’habitude, nous avons quand même un peu d’écho, souligne Clémentine Bret. Là rien et une désorganisation totale et complète. J’en veux pour preuve la proposition qui a été finalement faite par la mairie de Paris, deux semaines avant la fin du confinement : un gymnase ». Ce lieu de 60 places, géré par France Terre d’asile, se retrouve depuis le début de la semaine en quarantaine après que plusieurs cas de Covid19 aient été diagnostiqués. Médecins du Monde avait jugé l’endroit « totalement inadapté aux consignes sanitaires et à l’accueil de mineurs. Ce n’était pas un dispositif protection de l’enfance mais un sas vers des dispositifs adultes à la fin du confinement ». Médecins du Monde et Médecins sans Frontières ont refusé d’avoir recours à ce dispositif. Les associations ont donc finalement saisi la justice, demandant et obtenant la protection et l’hébergement en urgence de 70 jeunes.