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■ ACTU-Calais : nouvel arrêté anti aide humanitaire

À Calais, le préfet interdit aux associations non mandatées par l’État de distribuer des vivres aux exilés présents dans une partie du centre-ville.
Le nouveau préfet n’a pas attendu avant de mettre en place sa première mesure d’entrave au travail des associations d’aide aux exilés. Installé à la préfecture début août, Jacques Billant a signé un arrêté anti-distribution de vivres le 13 août. Pour l’heure, celui-ci est reconduit jusqu’au 6 septembre.



Malgré les obstacles, les associations militantes organisent la distribution de biens de première nécessité dans le centre de Calais. ©Jérémie Rochas

Désormais, les associations ne disposant pas d’un mandat de la préfecture ne sont pas autorisées à distribuer eau et nourriture à proximité de campements installés dans le centre-ville de Calais. Le préfet a changé mais la politique reste la même : éviter l’installation de campements dans la ville. C’est ce qui justifie les interdictions de distributions récurrentes et les démantèlements toutes les 48 heures, conduisant les personnes en transit à survivre dans des conditions encore plus difficiles. La préfecture argue que l’arrêté répond aux difficultés posées par le campement « dans une zone où la circulation de poids lourds et de véhicules est particulièrement importante et où a été constatée l’accumulation de déchets ».

Se cacher pour offrir de l’eau

Du côté des associations, les humanitaires fulminent. Depuis deux ans, reconduit et étendu en permanence, un arrêté obligeait les bénévoles et salariés associatifs à une situation absurde : se cacher pour offrir de l’eau ou de la nourriture à des personnes qui en ont besoin. « Un jeu absurde de chat et de la souris avec la police qui nous fait perdre du temps » selon William Feuillard, coordinateur de l’Auberge des migrants. Une trêve s’était installée depuis avril dernier, l’arrêté n’ayant, à la surprise des associations, plus été reconduit.
Avec cette décision, la préfecture complique à nouveau l’action des associations. « Quand on l’a appris, on s’est dit ‘’c’est pas possible, c’est ridicule’’ » s’indigne William Feuillard. Les arrêtés ne sont pas le seul outil dans la « stratégie d’usure de la préfecture » dénoncée par les associations. Régulièrement des pierres sont posées ou des fossés creusés pour gêner le stationnement des véhicules associatifs et l’installation de tentes. « C’est toujours la même technique de harcèlement, et au final ce sont les personnes exilées qui en pâtissent, » se désole le coordinateur de l’Auberge des migrants.
Mathilde Pette, sociologue dont l’interview sera à découvrir à partir du 20 septembre dans le numéro 1323 de Lien Social, pointe la responsabilité directe de l’État dans l’aggravation des conditions de vie des personnes exilées : « l’urgence humanitaire naît aussi des décisions politiques et des destructions permanentes des lieux de vie. Ce n’est donc pas seulement une défaillance : l’État prend des mesures qui empirent la situation. »

Rozenn Le Berre

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