N° 625 | Le 13 juin 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

La justice de proximité en Europe

Anne Wyvekens & Jacques Faget


éd. érès, 2001 (176 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thèmes : Europe, Justice

Qu’entend-on par justice de proximité ? Il s’agit d’un mode d’exercice de la justice qui cherche, tout au moins au niveau des intentions, à réaliser un idéal de régulation des conflits plus proche des citoyens tant au niveau spatial que temporel qu’en termes de proximité relationnelle. Sur ce dernier plan, l’ambition est de privilégier une approche compréhensive des différends entre les individus et de favoriser le dialogue, la négociation, la solution concertée au détriment de la sanction. Vaste projet, donc, qui ne concerne pas seulement le territoire français mais tend à gagner, sous une forme ou sous une autre, l’ensemble de l’Europe occidentale.

Ce mouvement de rapprochement de la justice et du citoyen tire sa justification de plusieurs éléments. Tout d’abord, le sentiment diffus d’insécurité qui constitue aujourd’hui un thème majeur du débat public induit l’idée qu’il y a urgence, en effet, à implanter des antennes de justice (essentiellement pénale à ce niveau) dans les quartiers sensibles généralement ressentis comme des zones de non droit. Par ailleurs, la demande objective de « procédure judiciaire » augmente, sans doute liée à la complexification des relations sociales et au besoin de recourir à une forme d’arbitrage en dernier ressort lorsque les autres modalités de conciliation n’ont pas abouti.

Le concept de proximité renvoie à l’idée d’une justice plus humaine, plus en rapport avec les préoccupations quotidiennes et donc plus positive. L’objectif est bien de substituer à la froide et tentaculaire machine judiciaire, une approche affinée des différends prenant en compte les contextes particuliers des territoires, les facteurs sociaux et économiques locaux qui exercent manifestement une influence déterminante sur les rapports entre individus. La justice se veut alors partenariale en cherchant à associer les acteurs présents sur le terrain (travailleurs sociaux, associations ?). Elle y gagne en clairvoyance puisque la décision rendue sera inspirée par plusieurs logiques plus en prise avec les aspirations immédiates des habitants. La volonté sous-jacente est aussi de donner à la justice un caractère pédagogique, en particulier lorsqu’elle s’adresse à des jeunes, car ces derniers ont de toute évidence quelques difficultés à percevoir la portée symbolique de la sanction ?

Cependant, et c’est en particulier la position des sociologues belges et anglais qui témoignent dans l’ouvrage, on peut également voir dans le développement de la justice de proximité une espèce de subterfuge qui vise en réalité à mieux quadriller des territoires qui auparavant échappaient à l’emprise de la justice pénale.
Alors, la justice de proximité, véritable avancée sociale ou simple poudre aux yeux ? Au lecteur de juger ?

Patrick Méheust


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