N° 1012 | Le 31 mars 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Désenchantements. Paroles d’enfants placés en collectivités de l’Aide sociale à l’enfance

Jean-Louis Mahé & Emilie Garcia Ballester


éd. Champ Social, 2010 (227 p. ; 20 €) | Commander ce livre

Thème : Aide sociale

Et si l’on demandait aux mineurs accueillis en foyer, ce qu’ils pensent de leur placement ? C’est vrai, après tout, que tout le monde parle sur eux et pour eux. Eux n’ont guère la possibilité de prendre la parole par eux-mêmes. Et c’est justement ce que leur a proposé Jean-Louis Mahé.

Chaque enfant ou adolescent s’est investi, un peu surpris par la démarche mais ravi qu’on les laisse s’exprimer, à l’écart de leurs encadrants. L’anonymat leur étant garanti, chacun a choisi un pseudonyme. Ils ont pu dire tout ce qu’ils voulaient. Leurs propos sont directs, spontanés et sans circonvolutions. Ils peuvent faire sourire ou frémir, irriter ou attendrir, faire réfléchir ou compatir. Peu importe. C’est l’occasion de redire ce qu’ils disent déjà à leurs éducateurs ou parfois justement ce qu’ils n’arrivent pas à leur exprimer. À ce titre, ils méritent d’être entendus.

Se retrouver en foyer n’est jamais un choix de vie délibéré et volontaire. Tout enfant aspire à avoir une famille comme les autres. Ce qu’exprime bien Rose (douze ans) : « Il n’y a pas de foyer idéal. L’idéal c’est d’être chez soi dans une famille saine. » La séparation, ils l’ont subie et ils en souffrent. Certains ne comprennent toujours pas. D’autres l’analysent avec lucidité : « Aujourd’hui, je pense que le placement, c’est pour aider nos parents », dit Sacha des Pokemon (dix ans). Cette séparation « c’était nécessaire, ça c’est certain […] Parce qu’il se serait passé trop de choses » (Rose).

La collectivité, c’est à la fois un lieu qui a du mal parfois à garantir toute la sécurité nécessaire pour tous et l’intimité pour chacun. Mais certains s’en accommodent très bien : « C’est comme si c’était une énorme famille avec plein de marmaille qui crie partout, on dirait des petits frères, des petites sœurs » (Rose) ou encore Keny James (douze ans) : « Pour les enfants, c’est bien le foyer parce qu’il y a plusieurs enfants et tu peux t’amuser. »

Est-ce facile, dans ces conditions, de se sentir chez soi ? « On peut dire quelque part que c’est chez moi, parce que je dors ici et tout, mais c’est pas chez moi » (Rose). Les relations avec les éducateurs ? C’est toujours difficile d’accepter d’être éduqués au quotidien par d’autres que ses parents « Je garde un bon souvenir de l’équipe éducative, même s’il fallait tout le temps serrer des mains », dit encore Rose. « Même si les gens sont saoulants, ça aide », confirme Cookiz. Et puis, il y a le cri du cœur : « Dans le foyer, les éducateurs qui sont gentils sont ceux qui me disent presque toujours oui », Sangokou (12 ans).

Pourtant, Jean-Louis Mahé propose une synthèse assez critique face à l’internat : à chacun d’en juger, en se référant aux propos des enfants.


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