N° 687 | Le 20 novembre 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

De la responsabilité en éducation

Jean-Bernard Paturet


éd. érès, 2003 (126 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thème : Éducateur spécialisé

Il est des livres particulièrement attachants que l’on souhaiterait toujours garder à côté de soi tant s’y plonger, ne serait-ce que quelques instants, est source d’intenses satisfactions. L’ouvrage de Jean-Bernard Paturet en fait assurément partie et démontre au passage que point n’est besoin de multiplier démesurément le nombre de pages pour traiter convenablement son sujet.

Le propos de l’auteur est pourtant vaste puisqu’il traite de l’éducation. Mais ici, l’objectif, semble-t-il, est plutôt d’apporter un éclairage salutaire au lecteur à travers la découverte (ou redécouverte) de la manière dont un certain nombre de philosophes (ou auteurs apparentés) ont abordé ce thème. L’éducation est, en effet, confrontée à un terrible dilemme : comment « sociabiliser » un individu, c’est-à-dire, d’une certaine façon, le rendre conforme à des exigences sociales, tout en développant en lui son autonomie et sa singularité ? Il s’agit bien, tout à la fois, d’insérer un individu comme unité sociale au sein d’un groupe où il sera amené à vivre et de le libérer en lui donnant la capacité de juger et de prendre du recul par rapport à son environnement culturel. On constate combien l’éducation peut être soumise à de violentes contradictions ! Le distinguo entre identité et ipséité permet sans doute de mieux saisir les enjeux de cette « affaire ».

L’identité d’un individu serait proche de l’ensemble des déterminants sociaux et biogénétiques qui le modèlent. L’identité est donc, d’une certaine manière, prescrite de l’extérieur. Au contraire, son ipséité le constitue en tant qu’être unique, infini, étranger à tout autre. Le travail éducatif consiste alors à réussir un pari délicat : « Penser, en même temps, les deux termes d’une opposition : l’indispensable autonomie des sujets et leur nécessaire socialisation, la formidable capacité d’adaptation sociale de l’homme et son besoin de retrait du groupe ». Dans cette perspective, l’éducation doit sans doute contribuer à la conquête progressive par les « éduqués » d’une faculté à se construire eux-mêmes à partir de ce qui est transmis dans la relation éducative. Percevoir ce dont on est redevable, ce à quoi on est soumis pour s’autoriser, enfin, à s’en libérer et devenir coauteur de soi-même, voilà en quelque sorte ce à quoi doit aboutir une éducation qui se donne pour objectif de dépasser la contradiction soulignée précédemment.

Le livre de Jean-Bernard Paturet est riche de bien d’autres développements passionnants. Sa lecture sera donc profitable à l’éducateur que nous sommes tous à un degré ou à un autre.


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