N° 947 | Le 29 octobre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Histoire de l’homicide en Europe de la fin du Moyen Age à nos jours

LaurentMucchielli & Pieter Spierenburg


éd. La Découverte, 2009 (334 p. ; 27 €) | Commander ce livre

Thème : Violence

Deux hypothèses s’affrontent pour expliquer le profond changement qu’a connu l’Europe, en matière d’homicide. La première, initiée par le sociologue allemand Norbert Elias, met l’accent sur le processus de civilisation des mœurs qui entraîna le contrôle des émotions, l’accroissement de la capacité empathique, le progrès du respect mutuel et de la coopération pacifique. La seconde, inspirée par Michel Foucault, privilégie le processus de disciplinarisation : le contrôle social et la stigmatisation des comportements considérés comme asociaux. La recherche d’une cause mono factorielle étant réductrice, il semble possible de concevoir l’interpénétration de ces deux facteurs.

L’ouvrage coordonné par Laurent Mucchielli, reprenant les travaux d’un séminaire européen tenu en 2007, illustre cette combinaison. Il nous propose de voyager à travers un continent qui, pour avoir connu la même évolution globale, n’en présente pas moins des variantes locales. Ainsi, des Pays-Bas, réputés pour être une nation particulièrement pacifique et qui se sont inscrits au cours des siècles dans la moyenne du taux d’homicide européen, aucun témoignage historique ne venant y attester une quelconque tradition davantage non violente qu’ailleurs. L’Italie fut particulièrement marquée, après la guerre, par la violence publique liée aux meurtres perpétrés par la mafia et le terrorisme. Dans la même période, le tiers des homicides commis en Angleterre fut suivi du suicide de leur auteur. La Grèce, quant à elle, a longtemps gardé comme première cause des homicides la défense de l’honneur considéré par les hommes comme la démonstration principale de leur virilité triomphante.

Mais sous quelque latitude qu’elle se manifeste, la brutalisation des comportements ne peut être simplement reliée à une agressivité plus ou moins naturelle de l’être humain. Les mêmes faits objectifs sont perçus différemment selon les interactions sociales et les évolutions des mœurs, les habitudes collectives et les traditions spécifiques, les valeurs culturelles et les circonstances du moment, les tolérances et les préjugés. Chaque groupe humain circonscrit, à un moment donné, un ensemble de comportements qu’il entend proscrire. Avec, parfois, un décalage entre la norme juridique et la norme sociale, comme le montre la multiplication, en France, au début du XIXe siècle, des acquittements de meurtriers par les jurys populaires élevant la bravade, la morgue, le défi et la violence comme autant d’expressions de puissance sociale. Il faudra attendre, avant que ces normes coutumières s’effritent et que l’intolérance s’installe face aux individus violents.


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