N° 655 | Le 27 février 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Miser sur la compétence parentale

Sous la direction de Claude Seron


éd. érès/Jeunesse et droit, 2002 (214 p. ; 20 €) | Commander ce livre

Thème : Maltraitance

Pour les uns, comme Stefano Cirillo en Italie, il faut donner aux enfants fracassés par les sévices physiques la chance de pouvoir investir une famille de substitution. Pour les autres, comme Catherine Marneffe, en Belgique, il est de la responsabilité des intervenants de tout mettre en ?uvre pour restaurer au sein même des familles maltraitantes, les conditions d’éducation compromises. Il n’est guère évident de construire une théorie cohérente à propos des compétences parentales. Pour y voir plus clair dans ce paradoxe, peut-être faut-il se référer à la Grèce antique qui vit s’opposer un Héraclite, philosophe du mobilisme, qui considérait que « tout s’écoule » et « tout est flux » à un Parménide considérant que tout changement est artificiel du fait même que le plus profond de l’Être est immuable et éternel. Les parents sont-ils destinés à rester eux aussi toujours les mêmes ou sont-il en évolution permanente ?

Reprenant à son compte ce vieux débat, l’approche systémique l’a complété par la démonstration selon laquelle l’observation que l’on peut faire dépend de sa place en tant qu’observateur : « La position dans laquelle nous sommes va modifier le regard que nous portons sur ce que nous observons » (p.40) Et à ce titre, le regard que peut porter l’intervenant peut s’avérer tout autant sclérosant que porteur de vie et révélateur de potentialités. Il arrive qu’une intervention qui visait à résoudre un problème dans une famille crée une difficulté encore plus grande que celle qui existait au départ. « Parfois même, la crainte de voir naître un problème conduit le professionnel à anticiper la solution au problème qui n’existe pas encore » (p.161) Fort de ces convictions, il est peut-être important de reconnaître que nous avons construit des représentations de familles qui correspondaient à l’image très dévalorisée qu’elles avaient d’elles-mêmes. Il existe un vocabulaire pour décrire les parents qui font mal ou qui ne font pas.

En revanche, il y a peu de mots pour décrire le père ou la mère adéquat ou du moins, pour décrire leurs compétences. Il est essentiel de relativiser nos normes de bon fonctionnement pour une famille et de descendre de notre piédestal pour aller à la rencontre des parents et des enfants auxquels nous sommes confrontés. Quand une théorie ne colle pas avec ce que nous constatons dans la famille, ce n’est pas la famille qu’il faut changer, mais la théorie et notre position d’intervenant. Finalement, ne faut-il pas offrir enfin la chance ou l’opportunité aux parents de se responsabiliser dans la mise en ?uvre des solutions concrètes aux problèmes qu’ils rencontrent. Mieux vaut alors les appréhender plutôt comme un creuset de ressources plutôt que de les considérer comme des rivaux quand il s’agit de définir ce qui sert le bien-être de l’enfant.


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