N° 615 | Le 28 mars 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Quartiers, conflits, acteurs

Jean-Pierre Boivin, Vincent Peyre, Annick Prigent


éd. érès, 2002 (152 p. ; 16 €) | Commander ce livre

Thème : Formation

Le dispositif expérimental de formation (DEF) est une expérience menée depuis 1993 dans le cadre du Petit Laboratoire d’Aubervilliers qui vise à contribuer à la formation, à la qualification et à la fidélisation d’éducateurs de prévention, d’animateurs et d’autres intervenants sociaux en prise directe avec les jeunes et les habitants des quartiers usuellement appelés « sensibles ». La méthode utilisée adopte une démarche résolument compréhensive, c’est-à-dire que la pratique du terrain doit être l’occasion pour l’intervenant social de se situer dans ce qui se passe effectivement autour de lui, de percevoir dans la durée l’histoire du quartier de façon à pouvoir mieux mesurer l’importance des événements ponctuels qui s’y déroulent.

Il s’agit, en l’occurrence, d’acquérir une espèce de familiarité qui permette de se repérer dans les jeux des acteurs locaux et de se mouvoir dans cet espace avec un sens de l’orientation directement inspiré par le contexte sur lequel on tente d’agir. Évidemment, il faut également prendre garde à ne pas se laisser totalement absorbé par les histoires ambiantes. Le recours au récit est en ce sens un moyen opportun pour ne pas sombrer dans les apparences, dans une traduction immédiate et erronée de ce qui semble se dérouler sous les yeux. La construction, a posteriori, du récit est en effet propice à une prise de distance salutaire par rapport à ce qu’il a été donné de vivre dans la prégnance du terrain. D’autre part, la reconstitution des situations, l’ordre retenu pour rendre compte des événements, les explications plausibles qui auront été retenues sont autant d’occasions de ré interroger la pratique professionnelle et, au besoin, d’envisager de nouvelles orientations pour les projets en cours.

L’ouvrage restitue ainsi un certain nombre de narrations de crises locales, plus ou moins violentes, plus ou moins complexes. Les descriptions minutieuses des différents acteurs impliqués, de l’élément déclencheur du conflit puis du déroulement de « l’affaire » in extenso sont riches d’enseignement. La façon dont les narrateurs ont essayé en tant que travailleurs sociaux de peser sur le cours des choses avec l’aide (ou pas) de partenaires extérieurs est également fort instructive. Au bilan, l’ensemble de ces contributions permet de mieux visualiser la difficulté objective qu’il y a à « transformer directement ou indirectement le statut de certains protagonistes de producteurs d’insécurité en promoteur d’un projet valorisant ». Mais c’est sans doute une des vertus essentielles du conflit, en dépit de son image connotée négativement, que de permettre (parfois) de passer à autre chose ?


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