N° 715 | Le 1er juillet 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Penser le racisme - De la responsabilité des scientifiques

Michel Girod


éd. Calmann Levy, 2004 (158 p. ; 13 €) | Commander ce livre

Thème : Racisme

Les scientifiques n’ont pas un comportement à part : ils sont à l’image de la société dans laquelle ils vivent. Ainsi, au XVIIIe siècle, quand les naturalistes se mettent à nommer, classer, trier et hiérarchiser les organismes vivants, ils opèrent de la même façon pour l’espèce humaine. Très vite ils distinguent une race supérieure (la blanche) et d’autres qu’ils considèrent comme inférieures (noire, jaune…). Rares seront les intellectuels qui à l’image de Condorcet s’opposeront avec courage à cette perception qui s’avère largement répandue. L’idée d’une causalité et d’un rapport de détermination direct et immédiat entre le biologique d’un côté et le social, le culturel et le psychologique de l’autre, s’impose dans presque toute la pensée scientifique.

L’auteur cite de nombreux savants couverts par ailleurs de récompenses et d’honneur, qui expriment les pires horreurs, tant sur la préservation de la race par la reproduction privilégiée des plus intelligents, que sur l’élimination des êtres moralement inférieurs ou l’inexistence des facultés intellectuelles, morales et spirituelles chez les primitifs. L’idéologie nazie n’est finalement que le produit de tous ces travaux prétendant à la suprématie occidentale. Son application en Allemagne à partir de 1933 n’est que le prolongement direct de la dizaine d’États américains qui adoptèrent entre 1907 et 1913 des lois eugénistes prévoyant la stérilisation des épileptiques, des schizophrènes, des toxicomanes et des déficients intellectuels. Si le Canada, la Suisse, la Suède et le Danemark suivirent cette voie, la France l’évitera toujours, et ce malgré les incantations de notre compatriote Charles Richet, prix Nobel en 1913, qui considérait que la civilisation pervertissait la sélection naturelle, en donnant des avantages à des dégénérés qui ne le méritaient pas !

Bien que largement déconsidérées après que l’on ait constaté leur concrétisation sous le régime nazi, ces théories ne disparaîtront pas vraiment : à la fin des années 1970, il se trouvera deux universitaires, anglais (Eysenk) et américain (Jensen) pour publier une étude prétendant démontrer que l’intelligence étant héréditaire et la race blanche supérieure, l’aide apportée aux noirs n’était que pure perte. L’homme appartient à la classe des mammifères, à l’ordre des primates, à la famille des hominidés, au genre « homo » et à l’espèce « sapiens ». Une race est un ensemble d’individus qui se distingue des autres par un ou plusieurs caractères constants et transmissibles aux descendants. Et le sens commun pousse à évoquer des critères immédiatement perceptibles (couleur de peau, des cheveux, forme du visage) pour classifier l’espèce humaine. Ce que les généticiens ont démontré, c’est que deux habitants du même village en apparence très proches pouvaient avoir plus de différence génétique entre eux qu’avec un habitant de l’autre bout du monde. Le concept de race n’a donc aucune base scientifique.


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