N° 770 | Le 20 octobre 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La sociologie au service du travail social

Patrick Dubéchot


éd. La Découverte, 2005 (198 p. ; 20 €) | Commander ce livre

Thème : Travail social

Sociologie et travail social ont tout pour s’entendre et pourtant « ils s’observent à distance et ne parviennent pas à se rencontrer véritablement » (p.5). A cela, plusieurs raisons. La sociologie appartient aux sciences humaines. En posséder la maîtrise nécessite une longue formation universitaire et « réclame du temps et une certaine concentration, pour en saisir toutes les subtilités. Il faut intérioriser l’appareil conceptuel de cette discipline jusqu’à un point de “saturation” qui fait que la pensée acquiert un réflexe disciplinaire » (p.168).

La formation initiale des professionnels du social est, quant à elle, conçue comme un empilement et une juxtaposition de savoirs disciplinaires qui posent la question de la consistance des enseignements. En outre, le fait que la sociologie ne soit pas orientée vers une praxis sociale, mais vers la compréhension ne lui permet pas de produire un « agir » pertinent. Tout au contraire, elle se méfie de toute récupération utilitariste et instrumentale de ses productions. Alors même que le travail social n’est pas référé à un savoir théorique ou procédural appris, mais à des savoir-faire et des savoir-être qui s’acquièrent par l’expérience quand ce n’est pas par les qualités naturelles et personnelles, des prédispositions biographiques, voire des qualités de cœur, toutes choses diamétralement opposées à la démarche scientifique au cœur de la sociologie. « Le savoir théorique est considéré par les professionnels comme une somme de connaissances disponibles, mais non indispensables à l‘action » (p.81)

Autre raison du fossé qui s’est creusé, la multiplicité, depuis les années 1980, des modèles sociologiques qui rivalisent entre eux et l’hyperspécialisation des sous champs qui s’y sont déployés et qui en rendent l’approche complexe. Enfin, dernière raison, le travail social reste profondément marqué par l’approche psychologique et singulièrement la théorie psychanalytique, les bribes d’analyse sociologique servant plus d’appoint que de fondement à la compréhension des situations. Pourtant, le mouvement de déconstruction du travail social qui s’est opéré, suite à la crise économique, a fait se multiplier les besoins en matière d’étude des populations exclues et d’évaluation des politiques sociales et éducatives mises en œuvre, plaçant la sociologie en position d’expertise, de conseil et de conducteur de sens et la positionnant à l’interface entre les acteurs de terrain d’un côté et les commanditaires et financeurs de l’autre.

Nombre des huit cents étudiants sociologues qui sortent sur le marché chaque année se retrouvent consultants, chargés d’étude et conseillers, et mettent au service de l’action sociale leurs méthodologies d’enquête, de statistique et de pratiques diagnostiques. Il y a donc une nouvelle occasion pour que chacune de ces catégories d’acteurs trouve des espaces de compromis permettant d’envisager une collaboration efficace.


Dans le même numéro

Critiques de livres