N° 913 | Le 22 janvier 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Intervenants sociaux et analyse des pratiques

Dominique Fablet et all


éd. L’Harmattan, 2008, (180 p. ; 17 €) | Commander ce livre

Thème : Pratique professionnelle

L’analyse des pratiques est l’une des formes d’aide qu’utilisent les travailleurs pour faire face aux situations psychiquement éprouvantes. Mais au-delà de l’outil d’accompagnement, cette approche apparaît emblématique de leur professionnalisation. Car elle renonce à l’illusion d’une maîtrise des savoirs qui permettrait, sous la forme d’un ensemble de règles, de préceptes et de recommandations, de produire des contenus fiables et des réponses prêtes à poser.

Certes, l’acquisition de techniques et de compétences est utile et incontournable pour agir dans ce secteur. Mais cela est loin d’être suffisant. Car ce qui compte n’est pas tant l’accomplissement de tâches prédéterminées que l’aptitude à faire face à l’incertitude, caractéristique centrale de ces métiers. Si le savoir-faire peut être capitalisé et les processus modélisés et théorisés, l’indétermination du devenir de la rencontre demeure : ce sont des situations d’influence mutuelle, complexes, dynamiques et incertaines entre des acteurs singuliers, engagés et impliqués. Ce qui nécessite de ne pas privilégier le mode opératoire sur la capacité à penser, l’efficacité sur la pertinence, la rapidité sur la recherche de sens. Il existera toujours de l’impensé et de l’impensable, de l’irreprésenté et de l’irreprésentable, les pratiques professionnelles évoluant dans un espace le plus souvent divisé entre le visible et l’invisible, le conscient et l’inconscient, l’actif et le passif, le pratique et le théorique, le donner et le recevoir.

Et c’est justement dans cet entre-deux que se situe l’analyse des pratiques, au cœur de l’énigme que constituent la rencontre et ses aléas. Le groupe est invité à s’approprier, par identification projective, la situation présentée par l’un de ses membres. Il sert ensuite de support à une activité relationnelle d’échanges et aux découvertes progressives de significations toujours partielles et provisoires. « L’analyse de pratiques s’attache à tresser les manières de faire, avec le repérage de l’éprouvé et du dire » (p.40).

C’est un moment mis à profit pour suspendre momentanément la précipitation à agir et à réagir, pour surtout ne pas se laisser aller aux prescriptions et aux recommandations. Doutes et fragilités des savoirs constituent son principal socle. Son axe essentiel nécessite de se défaire de la gamme des idéaux de bienveillance, de transparence et d’expertise et d’accepter les entrecroisements transférentiels qu’induit toute relation humaine. Il n’y a pas ici transmission de concepts théoriques de la part de l’intervenant, mais des praticiens partant de leur propre expérience et se positionnant dans une logique de producteur de savoirs. C’est l’occasion de se ressourcer, dans un espace permettant de penser pour agir, mais aussi d’agir pour continuer à penser.


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