N° 698 | Le 26 février 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Adomamans. Le tiers et le lien

Nelly Carpentier


éd. Téraèdre, 2003, (128 p. ; 13,5 €) | Commander ce livre

Thème : Maternité

On les a appelées : filles-mères, mères célibataires, femmes seules chef de famille, mères isolées, familles monoparentales… Nelly Carpentier les a nommées « adomamans ». C’est charmant et plein de tendresse, comme seule, peut en avoir celui ou celle qui a approché de près ces adolescentes qui vivent une grossesse bien précoce. Elles finissent à peine leur propre enfance qu’elles entrent brusquement dans la fonction parentale. C’est là un mystère de notre époque : alors que la révolution contraceptive a permis le contrôle des naissances et que l’évolution des mœurs nous a quand même, un temps soit peu, éloigné du règne patriarcal, le nombre de jeunes filles mineures attendant un enfant est resté étonnamment stable, tout au long des années. Tous les ans, on ne compte pas moins de 10 000 grossesses adolescentes, la moitié d’entre elles allant à terme. Il existe sur tout le territoire 120 structures d’accueil qui leur sont destinées, proposant 4 200 places.

L’auteure, travailleuse sociale en hôtel maternel avant de devenir universitaire et formatrice nous propose ici un regard anthropologique sur cette population qu’elle connaît particulièrement bien. C’est d’abord toute l’évolution du regard porté par la société qu’elle retrace. La maternité hors mariage a fait l’objet de jugements divers selon que l’époque voulait plutôt privilégier la rigueur morale ou bien le redressement nataliste. De fait, sa proportion a pris une ampleur inégalée depuis quelques années : 6,2 % en 1960, 11,4 % en 1980, 30 % en 1990, contre 43 % en 2001. Rien d’étonnant, dès lors, que l’attitude à l’égard de ces jeunes mères soit passée d’une médicalisation centrée sur l’enfant à une aide socio-éducative apportée tant à la mère qu’à l’enfant. Certes, on ne peut généraliser les caractéristiques de cette population tant elle est diverse, que ce soit en termes d’origine sociale, nationale ou culturelle ou de problématique psychofamiliale. On retrouve néanmoins souvent ces situations de jeunes au carrefour d’un double déficit : celui de leur famille d’enfant et de leurs rencontres d’adultes.

Autres cas fréquents : ces pères incertains, voire inconnus. Quand ils sont connus, ils sont souvent désignés négativement comme marginal, sans cœur, indécis, brutal et sans prise d’initiatives. Et puis, il y a ces mamans rencontrant des difficultés pour assurer le maternage de leur enfant, si elles ne sont pas aidées à le faire. Confiantes, quand tout se passe bien, mais à la limite de l’effondrement, dès que surviennent les premières difficultés. Même si l’action patiente et bienveillante des professionnels porte souvent ses fruits, il faut aussi savoir accepter les limites de l’action engagée : « Après tout, le lien du couple peut se défaire, le lien maternel aussi ou peut très bien ne pas se constituer. Il n’est donc pas nécessaire de contraindre une mère qui ne le veut pas à s’occuper de son enfant » (p.120). Vulnérabilité qu’il faut savoir protéger, mais aussi accepter.


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