« Zéro sdf » : la méthode Macron pour faire baisser les chiffres

« Combien de personnes ont dormi dehors cette nuit » interroge Léa Salamé ce 30 janvier sur France Inter, à l’occasion de la sortie du rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement. En face d’elle, Julien Denormandie répond sans sourciller : « les chiffres que nous avons, c’est à peu près 50 hommes isolés en Ile-de-France ». Le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires affirme même, toujours sans rire, qu’aucune famille n’est laissée sans solution.

À Lyon, le même jour, Virginie, éducatrice spécialisée et porte-parole du collectif des professionnels de l’urgence, se souvient d’une femme et de ses cinq enfants laissés dehors, sans solution. Une parmi tant d’autres. Les propos du secrétaire d’Etat l’ont « dégoûtée ».

La rue « réellement » ?

Mais ces personnes sont-elles toutes « réellement à la rue » ? C’est la question posée par la préfecture aux travailleurs sociaux à Lyon. « Nous, professionnels de l’urgence sociale, avons été sommés de signaler les personnes « réellement à la rue », celles que nous rencontrons ». L’idée : faire baisser le chiffre des 2 600 personnes qui, à Lyon, appellent le 115 sans résultat.

Un système « machiavélique » selon les professionnels, mis en place avec le plan grand froid : seules les familles, signalées comme « avérées à la rue » par des travailleurs sociaux, peuvent accéder à ce dispositif : 750 lits supplémentaires auxquels s’ajoutent 200 places ouvertes en urgence en janvier et une « halte famille », une salle collective avec 60 lits de camp, proposée pour 7 nuits.

Les personnes isolées, en campement, sous les tentes, en squat, ne sont plus considérées comme « réellement » à la rue. La procédure classique qui passe par le recensement des demandes par la maison de la veille sociale est court-circuitée. Le tri des personnes à la rue passe ainsi à une étape supérieure.

« Plus personne dans les rues »

« Appeler le 115 ne suffit plus, on considère que les gens mentent, ne sont pas vraiment en demande, il faut que les travailleurs sociaux signalent les personnes pour qu’elles soient considérées à la rue et obtiennent un hébergement », témoigne Virginie. « Les travailleurs sociaux sont pris au piège : ne pas faire remonter les situations, c’est laisser les personnes dehors et le faire, c’est entrer dans le jeu de cette liste ».

Plus « machiavélique » encore, les personnes qui refusent les places proposées sortent de la liste des personnes « avérées » à la rue, tout comme celles qui ont obtenu les 7 nuits d’hébergement proposées. Une bonne méthode pour faire baisser les chiffres et atteindre, en trompe l’oeil, la promesse estivale du président Macron : « Je ne veux plus personne dans les rues, ni les bois ». Le Président devrait y faire une promenade un jour de neige, c’est vivifiant.