N° 939 | Le 3 septembre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Violence à l’école. Des violences vécues aux violences agies

André Sirota & all


éd. Bréal, 2009 (239 p. ; 16 €) | Commander ce livre

Thème : École

Loin des discours à la mode sur une violence scolaire volontiers amalgamée à la délinquance, aux banlieues et à l’immigration, voilà un livre qui mérite vraiment le détour. Sa finesse d’analyse et l’intelligence de son propos sont à souligner. Même s’il admet la réalité de la montée de ce phénomène, il ne l’explique pas en se tournant exclusivement vers l’enfant, mais en interrogeant l’institution et les adultes qui la constituent.

La démarche éducative consiste, avant tout, en un processus d’arrachement à l’immédiateté et à la particularité pour accéder à la rationalité concrète et à l’universalité. Mais cette démarche ne peut que se heurter à la vie pulsionnelle non maîtrisée de l’enfant qui, en se confrontant aux obligations, aux interdits, à l’autorité comme au pouvoir des adultes, va apprendre progressivement à surseoir à ses aspirations du moment, à différer ses satisfactions immédiates, à coopérer avec les autres et à assumer ses responsabilités.

Et cela ne peut advenir dans un paysage totalement pacifié, mais potentiellement empreint d’agressivité et de passages à l’acte. Même si l’on peut identifier bien des facteurs sociologiques, psychologiques, biologiques ou pathologiques dans les multiples et différentes manifestations de violence au sein de l’école, on ne peut négliger le fondement même du travail de l’enseignant qui ne se limite pas à la seule transmission d’informations sur un mode pyramidal. Il doit tout autant savoir contenir les affects des élèves, les aider à dépasser leurs angoisses, faire émerger le sens et favoriser la structuration de leur pensée.

Cela implique une capacité d’écoute bienveillante, d’empathie et d’appréhension de la conflictualité inhérente à toute relation pédagogique. Ces qualités ne sont pas innées et ne s’acquièrent pas sur les bancs de l’université. Seule une pratique faisant l’objet d’une réflexion collective peut aider à les acquérir. Démarche banale chez les travailleurs sociaux, mais étrangère à la culture enseignante dominante qui n’admet pas participer en quoi que ce soit à l’éducation des enfants et qui identifie les causes de leurs éventuels inaptitudes et dysfonctionnements à des origines extérieures à l’école.

Les équipes pédagogiques sont menacées d’une structuration sur un mode dépressif (« on n’en peut plus ») ou paranoïde (« on est envahi »), dans un mouvement de déshumanisation des élèves. Certains agir violents des enfants provoquent une sidération ou une réaction en symétrie par un contre agir violent. L’insécurité vécue par l’adulte le rend à son tour insécurisant pour les enfants Cette souffrance au travail est considérée comme une fragilité psychologique personnelle. Et l’idée que ce puisse être l’institution qui la génère relève de l’impensable.


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