N° 1060 | Le 26 avril 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

TV lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision

Michel Desmurget


éd. Max Milo, 2011 (318 p. ; 20,18 €) | Commander ce livre

Thème : Télévision

Tout commence comme un essai au vitriol. Les propos de l’auteur sont acerbes et incisifs. Mais très vite, on oublie le ton caustique pour découvrir une démonstration pleine de rigueur qui s’appuie sur les 3 500 recherches et études répertoriées à ce jour, dont seulement 8 (soit 0,2 %) ne concluent pas aux effets délétères de la télévision sur la santé psychique, cognitive et somatique de nos enfants. On peut accuser Michel Desmurget d’être intégriste, moraliste et archaïque. Reste à contrer les arguments scientifiques accablants qu’il avance.

Place d’abord au constat : un enfant d’âge primaire passe, chaque année, 956 heures devant l’étrange lucarne (contre 864 heures face à son institutrice). Les effets pervers de cette captation sont multiples : diminution de l’activité physique, dégradation des habitudes alimentaires, réduction du temps passé à lire, altération de la qualité et de la quantité de sommeil, affaissement des performances scolaires, assèchement des interactions intrafamiliales… Chacune de ces conséquences a été démontrée par de solides données accumulées depuis des années, dont la plus probante est sans doute cette batterie de tests appliquée sur la capacité de diligence, de lecture, de langage, d’attention et d’imagination d’un échantillon d’enfants d’une ville isolée du Canada, avant et après qu’elle soit reliée à la télévision. L’impulsivité tant comportementale que cognitive et la recherche de jouissance immédiate progressèrent nettement, au détriment de la persévérance, de la concentration et de l’appétence à des tâches intellectuellement exigeantes.

Quant à la formidable ouverture sur le monde que peut procurer ce média, elle n’est, pour l’auteur, qu’un mythe. Les six cents chaînes dont dispose l’Europe qui doivent assurer quatre millions d’heures de programmes, ne peuvent faire autrement, pour éviter le zapping et fédérer des millions de téléspectateurs que de bannir tant le complexe que la spécificité, tout en privilégiant le conformisme narratif, la pauvreté langagière et la stéréotypie des personnages. Autant dire que les quelques perles d’exceptions sont noyées dans un océan d’inanités.

Comment expliquer l’absence de réactions du corps social, face à ce qui constitue un authentique problème de santé publique ? Il suffit de rappeler que chaque téléspectateur adulte passe lui-même, quotidiennement, 3h 40 devant la télévision (soit, pour une espérance de vie de quatre-vingt-un ans, onze ans de son existence). Peut-être faudrait-il commencer par ne pas chercher la tranquillité, en transformant nos remuants marmots en adorables bovins cathodiques. « La télévision n’exige du spectateur qu’un acte de courage, mais il est surhumain, c’est de l’éteindre », affirmait Pascal Brukner. À méditer.


Dans le même numéro