N° 1071-1072 | Le 19 juillet 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales

Sous la direction Serge Paugam


éd. Puf, 2011 (983 p. ; 49 €) | Commander ce livre

Thème : Inégalités

Publiée en 2007, à la veille de la présidentielle, cette somme des travaux de cinquante universitaires et chercheurs a été rééditée, cinq ans plus tard en format de poche, après un quinquennat qui n’a pas vraiment privilégié les politiques de solidarité. Issu d’une tradition initiée par la pensée solidariste, l’État providence à la française a permis de combattre les inégalités pendant des décennies, en organisant la redistribution des richesses. Le néolibéralisme n’a cessé de s’attaquer aux politiques sociales héritées de la Libération. Préconisant la diminution du poids de l’État, la dérégulation de l’économie et la réduction de la protection sociale, il a revendiqué la suppression des obstacles à la libre concurrence sur le marché comme seul moyen d’accroître la compétitivité des entreprises.

C’est ce contexte que l’ouvrage saisit pour faire le point sur les avancées, les régressions et les mutations de la solidarité dans notre pays. La philosophie conservatrice qui privilégie l’entraide de proximité en général et familiale en particulier, n’a pas réussi à remettre en cause le soutien à la natalité ou les prestations accordées aux familles. Pourtant, est resté en panne l’accompagnement des jeunes générations dont l’autonomisation résidentielle est certes encouragée par les allocations logement, mais qui reste encore trop dépendante des aides intergénérationnelles. Si les élèves accèdent bien plus qu’auparavant aux études supérieures, ils sont encore largement confrontés à des parcours différenciés fortement liés à leur origine sociale.

Les difficultés liées à l’échec scolaire sont de plus en plus traitées non comme un facteur inhérent à l’apprentissage, mais en termes de comportements difficiles à discipliner. Le cycle de vie à trois temps qui réserve la formation aux plus jeunes, l’activité productive aux adultes et la retraite aux plus âgés pâtit des mauvaises performances de l’emploi aux deux bouts de la chaîne : il n’y a du travail que pour seulement 30,6 % des 15-24 ans et 37 % des 55-64 ans. Le salariat s’est largement précarisé, rendant l’intégration et la satisfaction que l’on peut en attendre de plus en plus aléatoires. L’inégalité du sort des femmes par rapport aux hommes est flagrante et son invisibilité patente. Les 10 % de la population les plus riches ne côtoient jamais les 10 % des plus pauvres, chacun restant enfermé dans son ghetto. L’hôpital, longtemps ouvert à tous les patients, se réduit aux seuls malades solvables, les autres devant se tourner vers les associations caritatives.

Les choix de société qui s’imposeront, à l’avenir, devront déterminer dans quelle proportion l’État, l’entreprise, la famille ou des assurances privées assumeront la solidarité entre les membres de la même communauté de vie.


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