N° 697 | Le 19 février 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Police et discriminations raciales. Le tabou français

Sophie Body-Gendrot & Catherine Withol de Wenden


éd. de l’Atelier, 2003 (190 p. ; 19 €) | Commander ce livre

Thème : Racisme

Les policiers en tenue disposent depuis 1986 d’un code de déontologie. On se demande bien pourquoi, puisqu’il n’y a jamais aucun problème. C’est du moins ce que prétend l’administration qui a élevé au rang de culture, le déni face aux plaintes des citoyens contre certaines pratiques discriminatoires, les présumant a priori de mauvaise foi. Et pourtant, il faut parfois beaucoup de courage pour les dénoncer. La capacité des agents de la force publique à mettre en forme le récit de l’incident et à porter plainte pour rébellion et/ou outrages, avant même que la victime n’aie eu le temps de se retourner, a de quoi décourager les plus téméraires. De toute façon, la parole des policiers assermentés prime presque toujours sur celle du citoyen moyen… surtout s’il est bronzé !

Certes le travail de police dans certains quartiers difficiles se caractérise par l’urgence, l’imprévisibilité et la singularité excluant une codification des interventions selon des modes opératoires systématiques. Certes, les ordres sont parfois bien peu clairs et la compréhension ainsi que le soutien bien faibles. Certes, l’injonction à renouer des rapports de présence, d’attention et de confiance à l’égard d’une population qui montre une nette perte de respect et de considération et qui rejette l’autorité de l’uniforme, crée une spirale de peur et une logique de vengeance. Mais les signalements transmis au numéro vert 114, institué dans le cadre de la lutte contre les discriminations, démontrent des attitudes et des propos insupportables et totalement indignes d’un corps professionnel à qui la société confie le monopole de la force et du maintien de l’ordre public.

Les multiples contrôles qui se terminent par des insultes et des tabassages, les provocations, les gardes à vue arbitraires, les refus d’enregistrer une plainte, les réflexions sur les origines ethniques, les crachats, les amendes injustifiées, le harcèlement systématique, les constats dressés, lors d’un accident, défavorables à la personne qui n’était pas en tort, en raison de sa couleur de peau, autant d’abus de pouvoir policiers à caractère xénophobe. « On n’entre pas dans la police parce qu’on est raciste, on le devient au travers du processus de socialisation policière », affirmait Dominique Lhuilier. Reconnaître l’existence de ces dérives ne ferait pourtant pas s’effondrer l’institution.

Alors même qu’une formation d’élite se justifierait pour les agents en contact avec les terrains difficiles, avec un contenu plus soutenu en terme psychosociologique, dans la gestion tant du stress que des conflits et la lutte contre les discriminations, les écoles de police évitent prudemment ce véritable tabou. À ce compte, le divorce entre la police et une partie de la population n’est pas prêt de se résorber.


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