N° 1174 | Le 26 novembre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Pépites de handicap • Fragments et récits d’un quotidien partagé

Stéphanie Arragain


éd. Champ Social, 2015, (70 p. – 10 €) | Commander ce livre

Thème : Polyhandicap

Pousser la porte d’un institut médico-pédagogique pour enfants polyhandicapés, en venant y travailler pour la première fois, n’est pas anodin. Tout est à regarder, à écouter, à découvrir, à apprendre, à subir, à comprendre, à ressentir et à vivre. Les cris et les pleurs, les rires et les hurlements plantent d’emblée un décor irréel et improbable, saisissant et déstabilisant.

Pour l’appréhender, il y a certes la connaissance du polyhandicap et de son cumul de déficiences : retard intellectuel moyen ou lourd, troubles moteurs pouvant aller jusqu’à la paralysie, hypotonie massive, troubles sensoriels de la vue, de l’ouïe, du toucher, de l’odorat, malformations d’ordre cardiaque, digestif ou respiratoire, crises d’épilepsie, incapacité ou difficultés à s’exprimer oralement.

Mais, ce dont il faut surtout se munir, c’est de cette attention, de cette tendresse et de cette bienveillance qui permettent de faire face au tourbillon d’émotions, de sentiments positifs ou négatifs et de questionnements qui vous assaillent, en permanence. Aborder ces enfants, c’est toujours craindre de ne pas être assez juste, de ne pas être au bon endroit, de ne pas être à la bonne distance. Mais c’est surtout être à l’écoute d’un corps porte-parole d’envies, de choix, de bonheurs et de souffrances implicites.

C’est Bertrand qui se tape la tête et se mord les mains, parce qu’il ne supporte pas le bruit du réfectoire. C’est Charlotte en apprentissage de la propreté, qui accompagnée aux toilettes, ignore la pudeur. C’est Aurélien qui vit son premier orgasme sans comprendre ce qui lui arrive. Et c’est à eux que s’adresse l’auteure pour conclure ce petit opuscule, riche en émotion et en délicatesse : « Est-ce que je peux me permettre de vous remercier d’être là ? Sans vous je ne pourrais pas faire ce métier. Je me demande souvent si je ne suis pas plus dépendante de vous que vous ne l’êtes de moi. »


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