N° 845 | Le 21 juin 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Oui à une société avec les jeunes des cités

Joëlle Bordet


éd. de l’Atelier, 2007 (207 p. ; 18 €) | Commander ce livre

Thème : Banlieue

Les jeunes des cités sont à la fois source d’inquiétude et objets de stigmates. Mais, plus ils sont désignés comme dangereux, plus ils se mettent en danger et peuvent devenir menaçants pour autrui. L’auteur, psychosociologue habituée à côtoyer ces publics, en est convaincue : « Les possibilités de s’enfermer dans la négation, l’autodestruction et celles de la réussite et de la construction sont étroitement mêlées » (p.9). Aussi, soit on réussit à faire appel à leur énergie créatrice pour faire société avec eux, soit la spirale sécuritaire prendra le dessus avec pour conséquences la montée de la répression et notamment de l’incarcération ou encore l’embrigadement religieux. L’enjeu est de taille. La question centrale n’est pas de faire à la place des gens, mais avec eux. Ce qui n’est pas facile tant l’insécurité sociale et personnelle face à l’avenir ne permet plus d’être dans la confiance d’abord en soi, puis par rapport à l’autre.

En s’affirmant forts et violents, les jeunes éloignent leur détresse intérieure et leur sentiment de ne pas exister. Le faible repérage des règles et la banalisation des actes de violence ne leur permettent plus d’identifier les transgressions et de se confronter à leurs responsabilités. Certains trouvent dans la religion un moyen de reconquérir une dignité, de retrouver des valeurs morales, un sens commun, une perception de l’universel. Pour ce qui est des familles, elles se réfugient le plus souvent dans un espace de repli et de survie qui rend difficile l’éducation des enfants et surtout des adolescents.

Mais il y aurait un grand danger à ne voir là que de la défaillance. Il existe un potentiel qui ne demande qu’à être décuplé. Du côté des jeunes tout d’abord : si la crise identitaire et sociale est étroitement liée et si les principes de solidarité côtoient ceux issus de l’idéologie libérale, ils n’en inventent pas moins de nouveaux modes de socialisation sur lesquels on peut s’appuyer. Il faut, pour y arriver, construire avec eux un rapport de confiance dans leurs capacités, comme le montre nombre d’expériences, tel ce groupe de jeunes adultes se mobilisant dans un quartier de Rennes pour aller construire les murs d’une école au Maroc. Du côté des adultes des quartiers ensuite, sur l’autorité desquels il ne faut pas hésiter à compter. Et de préconiser aux côtés de la communauté républicaine et des communautés ethniques et religieuses, la promotion des communautés de vie : les aider à se constituer, à se fortifier et s’institutionnaliser constitue une piste fertile pour déployer les solidarités.

Enfin, il faut du temps pour qu’un jeune trouve un autre chemin que celui de la marginalité et de la délinquance. L’écoute et l’accompagnement patient des travailleurs sociaux s’inscrivent dans cette dimension. Mais le souci de rentabilité, et d’efficacité mis en avant par les décideurs risque de fausser l’action engagée, s’il ne recherche que les résultats à court terme.


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