On enferme bien les mineurs

La France comptait 876 mineurs en prison le 1er aout 2017, contre 743 en 2015. Cette augmentation de 16,6% alarme Jean-Pierre Rosenczveig, président du Tribunal pour enfants de Bobigny de 1994 et 2014. Dans son blog, il démontre que cette recrudescence du recours à la prison n’est consécutive ni d’une augmentation, ni d’une aggravation des actes de délinquance. Pour l’ancien juge des enfants, « si les magistrats ne trouvent pas d’autres réponses que la mise à l’écart », c’est le signe d’un relâchement de l’accompagnement en milieu ouvert.

« On n’a plus les moyens de prendre le temps de voir le sens de l’acte donc on apporte des réponses répressives, analyse Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés. L’enfermement des mineurs est le résultat d’un étouffement généralisé des services sociaux. On peut l’étendre à tous les champs du social, l’accueil du handicap, la protection de l’enfance… »

35 suivis pour un éducateur

« Depuis quelques années, la prévention spécialisée n’est plus une priorité, des services ferment, d’autres voient leurs moyens réduits à peau de chagrin, confirme Salvatore Stella, président du CNAEMO et membre du Conseil national de la protection de l’enfance. Quant au milieu ouvert, il y a une grande disparité entre les territoires. Il y a des secteurs où un éducateur assure le suivi de six à sept situations en AEMO renforcée, d’autres où ce chiffre grimpe à trente-cinq. Partout, les mesures d’accompagnement sont raccourcies, notre moyenne d’intervention baisse d’année en année. À moyen constant, la charge de travail augmente, si bien qu’un éducateur ne consacre qu’un tiers de son temps en intervention directe auprès des familles. »

Moins d’ASE, plus de CEF

Plus préoccupant encore, Jean-Pierre Rosenczveig craint « que l’Aide sociale à l’enfance soit plus que jamais dans l’incapacité de suivre les jeunes, notamment les 8 – 13 ans, en difficulté avant qu’ils n’arrivent à entrer de plein pied dans la délinquance ». Ce gouvernement, comme le précédent, annonce le doublement des places en centre éducatif fermé d’ici cinq ans. A raison d’un prix de journée de 600-800 euros par mineur, l’accueil dans un CEF revient pour un séjour moyen de 4 mois de 81 000 à 104 000 euros pour un jeune. 1 563 jeunes devraient y séjourner en 2017, ce qui représente plus de douze millions d’euros. Un choix politique difficile à défendre d’un point de vue tant humain… qu’économique.