N° 1109 | Le 13 juin 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Mirauds d’accord, mais pilotes d’abord !

Patrice Radiguet


Volez éditions, 2012 (282 p. ; 21 €)

Thème : Déficience

L’envie de voler a longtemps été une utopie pour l’être humain. Elle le reste pour les malvoyants, tant la perception du repère horizon est indispensable au maintien du vol à l’horizontal. Sauf à solliciter des professionnels de l’aviation acceptant de prêter leurs yeux ou d’avoir recours à des suppléances auditives, tactiles et visuelles, cette ambition continue à être un rêve fou et inaccessible. Certains s’y sont parfois essayés. Mais rien n’est vraiment comparable au travail accompli par l’Association européenne des pilotes handicapés visuels, autrement appelée Les Mirauds volants, créée en 1999. L’un de ses fondateurs et principaux animateurs, Patrice Radiguet, nous en propose ici un récit haut en couleur, faisant une large place aux témoignages et aux photographies.

Depuis quatorze ans, cette association a déployé une intense activité pour rendre possible aux personnes atteintes de malvoyance la pratique de toutes sortes de sports aériens : avions, planeurs, ULM, parapente, parachutisme… Mais son ambition ne s’est pas contentée d’étendre ces sports aux personnes différentes. Elle est aussi à l’origine de toute une série d’innovations techniques tout à fait originales, favorisant cette extension. Ainsi, de la méthode de guidage vocal qui permet, en utilisant un langage codé, de donner des informations précises et détaillées indispensables au pilotage. Ainsi, de l’adaptation de la cartographie aéronautique retranscrite en caractères agrandis, en braille et en relief. Ainsi, du « Soundflyer », dispositif sonore qui retraduit l’assiette de navigation en sons aigus ou graves retransmis grâce un casque stéréophonique, en privilégiant l’oreille droite ou gauche, selon le virage amorcé.

Le récit de l’auteur nous fait vivre la naissance de l’association et les difficultés rencontrées pour se faire accepter et reconnaître par certaines fédérations, d’autres l’accueillant au contraire, avec bienveillance et enthousiasme. On y croise des gens formidables, comme cette équipe d’ingénieurs de la société Thales proposant leur service (ce sont eux qui mettront au point le « Soundflyer ») ou encore ce Musée de l’air et de l’espace du Bourget ouvrant grand ses portes aux non-voyants. Et puis, il y a les inévitables déceptions : une dynamique associative qui s’essouffle ou encore des politiques tenant bien peu leurs promesses pour pérenniser une association fragilisée par manque de ressources propres.

Après cinquante-trois stages (représentant 944 journées stagiaires), 1577 heures de vols, la collaboration avec vingt-six aéro-clubs et la formation de soixante-neuf instructeurs, l’aventure des Mirauds volants mérite non seulement d’être applaudie, mais lue, soutenue et encouragée.


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