N° 691 | Le 18 décembre 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Mais où est donc passé l’enfant ?

Françoise Petitot, Denise Bass, Pascale Mignon, Denis Collot


éd. érès, 2003 (192 p. ; 21 €) | Commander ce livre

Thème : Enfance

Le droit des mineurs, a commencé par expliquer l’historienne Françoise Testard, lors des journées organisées par le GRAPE, à Toulouse en janvier 2003, est apparu avec le code civil Napoléon en 1810. Mais, très longtemps, la nécessité de le protéger se mêlera à celle de le punir et la famille (pauvre de préférence) sera mise en accusation, et jugée responsable, sans que la société, ni l’Etat ne se remettent jamais en cause. Françoise Petitot, psychanalyste, confirmera que l’enfant a toujours servi de support à l’imaginaire et au délire des adultes : investi comme terrain de recherche par les scientifiques, otage des théories psys en tous genres, protégé et magnifié, il constitue parallèlement une constante source de méfiance.

L’enfant est-il vraiment un sujet ou est-il en réalité soumis aux desseins de ses parents, s’interroge Laurence Gavarini, sociologue ? Il n’est ni plus ni moins aimé qu’auparavant. Mais plus qu’avant, il a pour mission de venir flatter le narcissisme des adultes. Le culte de l’individualisme et de la compétition ne lui donne comme seule alternative que d’être compétent ou défaillant, le rendant responsable de ses non-performances. Les méthodes éducatives traditionnelles basées sur l’obéissance et la soumission ont été remplacées par la logique contractuelle et libérale qui valorise la négociation, le dialogue, la recherche d’adhésion et la non imposition constate Henri De Caevel, président du Grape.

Or, s’il est un principe parmi les plus structurants, pour l’individu, c’est bien la castration : accepter qu’on n’aura jamais tout est essentiel, permettre d’expérimenter le manque, le vide et la frustration, c’est préparer l’enfant à affronter les dures réalités, sans s’effondrer. A force de ne plus vouloir le contrarier, on risque de le condamner à ne plus pouvoir trouver les ressources nécessaires en lui, pour y faire face, complètera Denise Bass, directrice du Grape. Et c’est bien cette mutation profonde qui provoque les inquiétudes et pousse à des accusations telles celles de Claire Neirinck. Cette juriste manifeste sa forte opposition face à la récente réforme du droit de la famille qui, consacrant les évolutions sociétales récentes, ne s’en est pas mois attaqué aux fondements mêmes de l’autorité parentale. C’est vrai que l’abandon de la toute-puissance autoritaire d’autrefois peut invalider la notion même de différence intergénérationnelle, conclura Jean-Pierre Lebrun, psychanalyste belge.

Mais il ne suffit pas d’opposer stérilement un passé structurant à un présent anomique, mais d’imaginer une possible synthèse entre les bénéfices que l’on peut trouver à l’émergence de l’individu et au développement de la démocratie d’une part et le principe d’autre part, qui veut qu’on ne puisse considérer sur un pied d’égalité un sujet psychiquement construit (l’adulte) et un autre sujet qui ne l’est pas (l’enfant).