N° 930 | Le 28 mai 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les usagers au secours de la psychiatrie

Guy Baillon


éd. érès, 2009 (443 p. ; 28 €) | Commander ce livre

Thème : Psychiatrie

Dans un style parfois un peu trop discursif, Guy Baillon ne nous propose pas moins qu’un éclairage tout à fait intéressant sur la psychiatrie. Bien sûr, il y a ces banderilles qui feront grincer quelques dents. Comme ce regret sur l’absence de modestie et d’incertitude, deux dispositions qui devraient pourtant constituer la base de la psychiatrie, ou bien encore la critique sur la prétention de cette discipline à vouloir répondre à tous les besoins de la personne malade mentale.

Autre pique combien pertinente pour tous ceux qui ont été confrontés à l’argument de l’« absence de demande » : le constat d’un fonctionnement en miroir. Si le malade est dans le déni du trouble qui l’atteint, le psychiatre se trouve tout autant dans le déni car son patient, ne parvenant pas à prendre conscience de ses difficultés, est incapable de formuler une demande de soin. Sans oublier l’ironie mordante portant sur les plaintes de la prétendue déshérence d’une profession qui a pourtant connu, dans la fonction publique, une progression de 800 à 4000 postes entre 1965 et 2001, sans commune mesure avec sa propagation dans le privé, avec les 9 000 psychiatres installés de préférence en région parisienne et dans le sud !

Mais le fondement de la démonstration de l’auteur n’est pas là. L’éthique qu’il revendique s’appuie sur l’incontournable intrication du corps, de la vie cérébrale et du mode de relation à l’autre : le point de départ de toute démarche de compréhension du handicap psychique, affirme-t-il, ne peut être ni un trouble, ni une fonction ou un organe, pas plus qu’un tissu ou un comportement, mais bel et bien la personne dans sa globalité et son intégrité impliquant l’ensemble de ses dimensions à la fois corporelles, psychologiques, contextuelles et relationnelles. La force de son propos tient tout autant dans la réhabilitation de la folie qui, pour occuper une partie de la conscience individuelle, n’obère pas pour autant la partie saine de la personnalité : « Actuellement, la parole d’une personne ayant un trouble psychique tombe sous le signe de la permanence de son invalidité » (p.430), regrette-t-il, en se félicitant de l’émergence des associations d’usagers malades mentaux.

S’en prenant aux amalgames faits entre folie et criminalité (il n’y a proportionnellement pas plus de criminels chez les malades mentaux que dans le reste de la population), il dénonce cette peur qui stigmatise. Encore, rappelant la loi du 31 décembre 1970 qui instaura la séparation entre la santé dévolue au secteur sanitaire et la prise en charge de trois populations (celle des vieillards, de l’enfance et du handicap) par le secteur médico-social, l’auteur revendique le rapprochement de ces deux champs qu’il considère comme indissociablement liés. A méditer.


Dans le même numéro

Critiques de livres