N° 750 | Le 21 avril 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les relations durables - Amoureuses, amicales et professionnelles

Gérard Apfeldorfer


éd. Odile Jacob, 2004, (280 p. ; 21,50 €) | Commander ce livre

Thème : Relations

Quand elles sont basées sur de fausses convictions, les relations humaines peuvent parfois être gâchées. L’auteur en fait ici la démonstration, encourageant à se comporter sur des registres plus sains. Ce qui est en cause dans les mauvais rapports que tissent les personnes entre elles, ce n’est pas tant leur personnalité respective que la qualité du système relationnel qui les relie. Ainsi, le mode de fonctionnement marchand qui est basé sur le souci de ne rien devoir à personne et de régler au plus vite ses dettes s’est progressivement étendu aux différentes sphères du lien social. Or, ce qui fonde le vivre ensemble c’est l’ancestral système du don et de la dette : donner se fait sans contrepartie immédiate. Mais ne pas rendre, c’est perdre la face et l’honneur.

L’Occident ne sait plus ni offrir, ni recevoir. S’entraîner aux habiletés sociales implique pourtant d’accepter l’un et l’autre. « Quand on s’aime bien, recevoir des compliments est délicieux et les rendre est un plaisir » (p.62) Au contraire, l’ignorance face aux dettes qui circulent ne les annule pas ! Elles continuent à exister de façon souterraine, produisant des effets à retardement et engendrant des sentiments qui nous échappent. Car, donner de façon disproportionnée écrase l’autre, tout comme ne pas demander son dû peut signifier que ce qu’on a donné n’avait pas grande valeur ! On se met alors à haïr la main qui nous nourrit et à culpabiliser devant notre propre manque de reconnaissance. Seconde fausse représentation, celle qui considère que la relation à l’autre serait fondée sur des critères de beauté, de culture et des qualités acquises une fois pour toutes. C’est confondre empathie et séduction.

Alors que la capacité d’empathie s’appuie sur la compréhension des émotions et du point de vue de l’autre, la séduction relève bien plus de la captation et d’une tentative d’ensorcellement. Ce qui se joue alors ce sont des mécanismes d’identification où l’on cesse de comprendre l’autre et de s’en faire comprendre, pour essayer de le détourner de lui-même et de le décentrer. On en trouve l’expression la plus accomplie dans les mécanismes des sectes. Plutôt que d’essayer de s’imposer par toute sorte d’artifice, mieux vaut se solliciter réciproquement à partir de ce qu’il y a de plus authentique et profond en soi. Cela passe et c’est la troisième idée reçue combattue par l’auteur, par l’acceptation d’une certaine aliénation de cette sacro-sainte indépendance que notre époque répugne à voir entamée.

Mais, inversement, ce compromis permanent fait à l’autre ne signifie pas pour autant former une seule et même entité refermée sur elle-même. C’est parce que je connais mes appartenances qui me qualifient et fondent mes qualités que je peux affirmer mon autonomie. Faire couple, explique l’auteur, ce n’est ni garder ses distances, ni fusionner mais tricoter de la différence, de la complémentarité ainsi que du respect mutuel.


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