N° 706 | Le 22 avril 2004 | Philippe Gaberan | Critiques de livres (accès libre)

Les personnes handicapées mentales, éthique et droit

Michel Manciaux & Gwen Terrenoire (dir.)


éd. Fleurus et Unapei, 2004 (459 p., 23 €) | Commander ce livre

Thème : Mental

Il n’est pas possible de rendre compte de la complexité et de la richesse d’un ouvrage qui est le fruit de douze années de travail menées par le Comité national d’éthique de l’Unapei. La qualité et la rigueur des informations délivrées par l’ouvrage font que celui-ci deviendra sans aucun doute une « bible » pour tous ceux qui, familles, professionnels des institutions, chercheurs en travail social, formateurs d’écoles ou futur professionnels, ont à faire avec le handicap mental.

Preuve que sont tombés quelques tabous, la question de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées tient une place importante dans l’ouvrage au fil des divers chapitres. Saluons d’emblée le fait que l’adolescent handicapé est dorénavant considéré comme étant un adolescent avant tout, connaissant les mêmes développements, désirs et pulsions qu’un adolescent dit normal : « sur le plan physiologique, le processus est, le plus souvent, sensiblement le même que chez l’enfant normal ». Une telle phrase aurait soulevé le tollé il y a près de vingt-cinq ans.

L’ouvrage continue en disant : « il en va différemment au point de vue affectif et social : le ressenti peine à s’exprimer et les transformations corporelles, qui changent le rapport au monde, à l’espace et aux autres aussi, peuvent déstabiliser durablement le jeune qui a du mal à s’y retrouver, à se reconnaître ». Il peut en être dit exactement la même chose de l’adolescent normal. Quoi qu’il en soit les préjugés s’estompent, la pensée se libère et permet de travailler sereinement. De même, et sans trop pouvoir ici s’étendre sur la question, le paragraphe consacré à la réforme de la loi du 4 juillet 2001 qui autorise la ligature des trompes comme un moyen contraceptif légal est clairement exposé (pp. 227 et suiv.). L’ouvrage en appelle d’ailleurs à une évaluation de cette loi ce qui est certainement la meilleure façon de sortir de la polémique.

Par ailleurs, à maintes reprises, l’ouvrage fait le lien entre la qualité de vie des personnes handicapées et la qualité des professionnels, décrits comme étant les partenaires des personnes handicapées et de leurs familles à divers moments de leurs parcours. Là encore l’ouvrage tourne une page et ouvre une période nouvelle dans laquelle les travailleurs sociaux cesseront peut-être d’apparaître comme les « profiteurs » d’une manne générée par le handicap. De fait, si la quatrième de couverture peut paraître pessimiste en affirmant qu’il y a un décalage entre les déclarations d’intention et les réalités, l’ouvrage rend hommage au professionnalisme et à l’engagement des éducateurs, comprenant en ce terme les familles autant que les travailleurs sociaux. Il affirme que les progrès à venir dépendent de la capacité à maintenir cet engagement ; le pire pouvant venir de l’institutionnalisation, et donc de la banalisation, de la question du handicap mental.


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