N° 1131 | Le 19 décembre 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les nébuleuses du logement social. En France et en Afrique du Nord

Sous la direction d’Ahmed Nordine Touil & Lassaad Labidi


Le Sociographe n° 44, décembre 2013 (144 p. ; 12 €)

Thème : Logement

Ce numéro du Sociographe propose un regard croisé depuis l’Hexagone et l’Afrique du Nord, sur les implications du logement social. Que l’on se situe d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée, les problèmes pour trouver à se loger sont aussi criants. Si la pénurie de constructions est une constante, le coût prohibitif des loyers s’impose ici, la forte démographie algérienne marquant là-bas un décalage permanent de la demande que n’arrive jamais à combler l’offre. Mais les fréquentes révoltes des dernières années qui ont marqué ce pays n’ont pas tant pour source cette pénurie que les modes opaques de distribution des appartements fournis par l’État providence ; la corruption, le népotisme et le clientélisme ayant abouti à la confiscation par les nantis des biens initialement destinés aux « nécessiteux ».

Des émeutes, la France en a aussi connu dans ses quartiers les plus défavorisés, à la fois résultat et cause d’une image particulièrement dégradée. Résider en ces lieux stigmatisés colle à la peau comme une souillure et un malheur dont on n’arrive pas, si facilement, à se débarrasser. Y habiter, témoignent leurs habitants, c’est comme être placé sous surveillance, dans une prison à ciel ouvert ; les bailleurs, les services sociaux ou la police semblant avoir avant tout une fonction de contenance de ces ghettos. Avec trois millions de personnes souffrant du mal logement et deux ou trois millions de logements vacants protégés par le droit de propriété, le problème reste entier. Pourtant, la mobilisation de l’opinion publique française a bien contraint le législateur à voter la loi dite DALO et DAHO (Droit au logement opposable et Droit à l’hébergement opposable), l’État s’infligeant une amende à lui-même s’il n’arrive pas à garantir à ses citoyens un lieu de résidence.

Cette nouvelle règle a transformé l’action sociale en rendant paradoxalement plus fiable l’hébergement que le logement. Le premier ne donne lieu à aucun contrat et peut être renouvelé à l’infini tant qu’une autre solution n’est pas trouvée (du moment que la personne en bénéficiant respecte le cadre fixé). Le second implique un bail qui peut être résilié et provoquer une expulsion. Autre paradoxe, cette exposition à la mairie de Saint-Etienne, présentant le quartier Séverine que chacun se félicitait de voir démoli et qui fait l’objet, quelques années plus tard, d’une rétrospective quelque peu nostalgique sur la façon dont il était habité. C’est que le lieu où l’on réside marque profondément nos personnalités : en contribuant à façonner ce que l’on est devenu, en étant à l’image de ce que l’on est et en transmettant nos valeurs et notre façon d’être.


Dans le même numéro

Critiques de livres

Sous la direction d’Irène Kontomichos

Les jouets sont éternels. Médiation, initiation, sujétion