N° 786 | Le 23 février 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les mots sont des fenêtres

Marshall B. Rosenberg


éd. La découverte, 2005, (260 p. ; 16 €) | Commander ce livre

Thème : Citoyenneté

Convenons-en, il est quand même assez fréquent pour chacun d’entre nous de porter un jugement de valeur sur autrui et de le cataloguer en le rendant responsable de nos heurs et malheurs. C’est l’une des façons de nous défendre et de réagir face à l’agressivité qui se déploie le plus souvent dans tout conflit. Marshall B. Rosenberg nous propose ici une autre manière d’agir et de réagir qui tourne résolument le dos aux modes relationnels traditionnels de cette « communication aliénante [qui] est à la fois un produit et un pilier des sociétés fondées sur les principes de hiérarchies et de domination » (p.43). Tout autre sont les principes de la communication non violente.

Au travers d’exemples, d’exercices, de récits et d’illustrations issus de son expérience et des formations qu’il dispense, l’auteur propose une méthode qui mérite qu’on s’y attarde quelque peu. L’objectif est de mettre un terme à la croyance selon laquelle ce serait l’autre qui serait à l’origine des sentiments de colère que nous éprouvons. Il ne faut pas confondre la cause et l’élément déclenchant. Ce n’est pas l’attitude d’autrui qui provoque notre propre réaction, mais un besoin non assouvi. Notre culture ne nous a jamais appris à identifier ces désirs qui sont au fond de nous et qu’il est au contraire de bon ton de mettre à distance, parce que jugés malsains ou malvenus.

Or, ce sont justement ces besoins que la communication non violente nous propose de sonder et d’identifier pour mieux les gérer et tenter de les satisfaire. Mais cette démarche ne se limite pas à s’écouter soi-même. Elle implique aussi de se mettre à l’écoute de l’autre. Trop souvent, on se laisse aller à donner des conseils, rassurer ou exposer son opinion ou sentiment. Bien différente est l’empathie qui permet, en écartant tout préjugé et toute tentative d’enfermer dans un moule, d’être présent à l’autre et à ce qu’il éprouve. Apprendre à traduire nos jugements en sentiments et en besoins : tel est donc le message de la communication non violente qui cherche à créer un courant de respect et de générosité réciproques.

Et cela, en quatre étapes. Il s’agit tout d’abord de bien séparer l’observation de l’évaluation, en essayant d’objectiver les constats effectués. Ensuite, il nous faut exprimer ce que nous avons ressenti à cette occasion. Ce n’est guère facile, tant nous craignons que les fragilités ainsi exposées soient utilisées contre nous. Pour mieux y arriver, nous avons tous intérêt à enrichir le vocabulaire qui nous sert à définir notre état affectif (l’auteur fournit d’ailleurs une liste de qualificatifs devant permettre d’affiner l’évocation de ces sentiments). Troisième phase : la nécessité de préciser les besoins insatisfaits à l’origine de nos contrariétés. Ce n’est qu’après avoir cheminé à travers toutes ces étapes que nous pouvons formuler une demande qui peut enfin correspondre véritablement aux fondements du conflit.


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