N° 1033 | Le 6 octobre 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les jeunes Français ont-ils raison d’avoir peur ?

Olivier Galland


éd. Armand Colin, 2010 (160 p. ; 16,50 €) | Commander ce livre

Thème : Jeunesse

Alors que la jeunesse possède le privilège d’envisager l’avenir avec optimisme, celle de notre pays se caractérise par un profond pessimisme, tant sur son devenir personnel que sur celui de la société. Seulement un quart des jeunes Français s’imaginent des lendemains prometteurs, contre 60 % des jeunes Danois, par exemple. Cette situation est le produit d’un ensemble de facteurs subjectifs et objectifs. Olivier Galland nous aide à mieux en comprendre les tenants et les aboutissants.

Certes, l’insatisfaction est une vieille tradition hexagonale. Depuis le premier sondage effectué en 1973 sur cette question, le pourcentage de satisfaits n’y a jamais dépassé les 15 %. Tradition morose des pays catholiques sans doute, que l’on ne retrouve pas dans les pays de culture protestante. Mais ce n’est pas là la raison unique, loin s’en faut. Dans notre pays, la jeunesse est victime depuis de nombreuses années de discriminations socio-économiques, au profit des générations aînées. Ainsi, de 1980 aux années 2000, les actifs au chômage ou occupant un emploi précaire sont passés de 40 à 60 % chez les jeunes âgés de moins de 25 ans et de 15 à 16 %, pour les salariés âgés de 30 à 50 ans.

Le système méritocratique ne parvient plus, comme il prétend le faire, à récompenser à la mesure des capacités de chacun. Au contraire, le modèle guerrier qui privilégie la sélection des meilleurs, relègue les autres dans une armée supplétive, corvéable ou laissée pour compte. Une société basée sur un capital humain composé pour l’essentiel de la connaissance, de l’éducation et de l’expérience, ne peut que reléguer sur le bord du chemin ceux qui en sont le moins pourvu, notamment les 130 000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans diplôme, ni qualification. Mais le malaise vécu par la jeunesse n’est pas lié à ces seules injustices.

L’affaiblissement des deux grandes institutions chargées d’une fonction essentielle d’intégration que sont l’école et l’Église, a laissé place à une individualisation des mœurs, chacun devant être libre de choisir sa manière de vivre et de penser. La disparition du partage de valeurs communes a provoqué un malaise identitaire profond. La crise de confiance envers une société incapable de faire la place à ses membres les plus jeunes a fait émerger une culture consumériste fonctionnant sur la stylisation des apparences et des goûts : pour être soi, il faut d’abord être comme les autres. On assiste à un véritable totalitarisme des codes auxquels il n’est pas bon de déroger.

La fracture n’est donc pas tant sociale que générationnelle : le fossé se creuse entre la sphère des adultes et celle des adolescents. Ce qui unit les jeunes et les oppose aux générations précédentes est plus important que ce qui les divise.


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