N° 1050 | Le 16 février 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Les blessures de l’intimité

Roland Coutanceau


éd. Odile Jacob, 2010 (362 p. ; 23,90 €) | Commander ce livre

Thème : Abus sexuel

La lecture de la somme que nous propose Roland Coutanceau est incontournable si l’on veut mieux comprendre la problématique de l’inceste, de la pédophilie et des viols commis sur des adultes. Ce spécialiste en victimologie et en criminalité rétablit avec clarté et précision la complexité de ce que l’émotion a tendance à simplifier et à caricaturer.

Partant d’un certain nombre de faits divers qui ont défrayé la chronique, l’auteur conseille d’abord de faire la part des choses. Il compare ainsi la stigmatisation contemporaine de la pédophilie avec la bienveillance qui accueillit, dans les mêmes médias, trente ans auparavant, les revendications de légitimation des relations sexuelles avec les enfants. Il rappelle ensuite que la sanction sociale et pénale ne vise pas la vie fantasmatique de certains adultes qui n’adoptent pas pour autant de comportements répréhensibles. Ce qui est en cause, c’est bien le passage à l’acte, la transgression, l’agression sur autrui qui ne découlent pas automatiquement du fantasme. Il ne doit pas être plus difficile au pédophile de ne pas agresser un enfant qu’à un hétérosexuel de ne pas violer une femme.

Puis Roland Coutanceau s’intéresse au profil des agresseurs, avant de se consacrer aux victimes et de se tourner vers les soins possibles. Les agresseurs sexuels ne constituent pas un groupe indifférencié. L’auteur distingue entre ceux qu’il nomme les immaturo-névotiques demandeurs le plus souvent de soins, les immaturo-égocentriques qui reconnaissent partiellement leurs actes et les immaturo-pervers qui constituent la catégorie la plus inquiétante, car dans le déni et souvent prêts à recommencer. Ce n’est ni du côté de la psychose, ni de celui de la névrose qu’il faut rechercher la source des comportements criminels réitérants, mais plutôt du côté des troubles de la personnalité. Les prédateurs les plus dangereux se font remarquer par leur immaturité, leur égocentrisme, leur toute-puissance, leur perversité et leur incapacité à se représenter ce que ressent l’autre. Les effets des blessures de l’intimité sur les victimes restent extrêmement variables, s’avérant différents selon la personnalité de chacun.

La fragilité et la carence affective sont autant de facteurs qui favorisent des comportements d’exposition aux prédateurs et l’emprise de ces derniers sur leur proie. Des thérapies sont à l’œuvre pour soigner et éviter la récidive, aidant à identifier les mécanismes psychiques en jeu dans la genèse de l’agression, à éviter les situations à risque et à changer de comportements. Mais il revient au travail éducatif mis en œuvre tout au long de l’existence d’apprendre à contrôler ses pulsions, à sublimer ses désirs et à savoir concrétiser ses excitations.


Dans le même numéro

Critiques de livres