La tentation du vide

« Un temps à rire et à courir / Un temps à ne pas mourir / Un temps à craindre le pire / Il fait beau comme jamais / Tant pis pour l’homme au sang sombre / Le soleil prouvé par l’ombre / Enjambera les décombres » écrivait Aragon dans un poème lucide intitulé Maintenant que la jeunesse .

Le 13 novembre, le pire a frappé les quartiers les plus vivants de la capitale. Ébranlant nos certitudes, nos rythmes heureux, notre cohésion, la mort a fauché au cœur de la vie.

Bien au-delà de la sidération, de la douleur, de la compassion, quelles répercussions ces événements vont-ils avoir sur les métiers de l’intervention sociale ? L’angoisse s’accroît. Les dangers de l’après-séisme apparaissent déjà, en termes d’instrumentalisation électorale, mais aussi d’amalgame ou de suspicion, voire de surveillance généralisée. Plusieurs associations craignent le risque de surenchère sécuritaire et de stigmatisation.

Faut-il penser avec la philosophe Cynthia Fleury que chacun doit percevoir « l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde » afin d’élaborer des solutions ? Affaiblis, malmenés, désavoués parfois, l’action éducative et le travail social revendiquent leur nécessité et leur pertinence.
Plus que jamais, les éducateurs, assistants et acteurs sociaux vont devoir porter haut leur détermination, leur énergie, leur créativité. Continuer de résister contre les fermetures brutales de structures de proximité, contre l’abandon des quartiers, défendre la prévention, le devoir d’éducation spécialisée, l’avenir de nos métiers qui eux aussi tutoient la lutte contre les extrémismes.

Toutes proportions gardées, le dossier du prochain numéro de Lien Social (n° 1174, à paraître le 26 novembre), la protection des jeunes majeurs, outil essentiel mais en voie de disparition, témoignera en ce sens.