N° 788 | Le 9 mars 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La psychanalyse peut-elle guérir ?

Sous la direction d’Alain Houziaux


éd. de l’Atelier, 2005 (120 p. ; 10 €) | Commander ce livre

Thème : Psychanalyse

« La guérison advient par surcroît », affirmait Jacques Lacan. La psychanalyse se désintéresserait-elle donc de la résolution des souffrances de ses patients ? Ce petit opuscule vient répondre avec pertinence à ce questionnement, en commençant par distinguer ce qui relève des angoisses consubstantielles de notre nature humaine et ce qui peut être soigné.

Peut-on vraiment en finir avec son incomplétude, son manque et son désir ? Ce n’est pas vivre que de vivre sans souffrance : il restera toujours une souffrance irréductible inhérente à la vie qui non seulement restera à jamais intraitable, mais qui constitue l’essence de notre condition humaine. Ce que peut apporter la cure psychanalytique, c’est essentiellement de permettre de modifier l’attitude adoptée vis-à-vis de cette souffrance. Si le patient en identifie la source, il peut réussir à mieux vivre avec elle. Guérir de son angoisse reviendrait finalement à réussir à vivre avec elle, sans angoisse.

Lorsqu’elle est réussie, la psychanalyse amène le patient à conquérir une nouvelle faculté psychique : celle de percevoir à l’intérieur de lui-même la cause inconnue des difficultés qui l’assaillent. Progressivement se développent en lui une intelligence du dedans et une intuition intérieure qui lui permettent de gérer les crises de l’existence. Mieux se connaître et s’accepter permet aussi de cultiver, au-delà de soi, la capacité de découvrir l’autre et d’apprécier la beauté de la vie, de profiter tant des grandes que des petites choses de l’existence. On comprend mieux alors que la guérison soit perçue comme un bénéfice annexe, l’essentiel étant dans l’émergence de la part inconsciente qui mine le sujet, non sous la forme d’un saut intellectuel qui irait de l’ignorance au savoir, mais de la résurgence d’une émotion douloureuse et ignorée.

D’autant que les mécanismes de résolution des symptômes demeurent une énigme insondable : « Nous ne savons pas quel est le ressort ultime de la guérison » (p.75). La psychanalyse ne se contente pas de fournir les moyens de mieux être individuellement, elle constitue aussi une référence pour permettre à la société d’aller mieux. Il y a trente ans, elle apparaissait comme une subversion capable de miner l’ordre social et familial en libérant l’individu d’une culpabilité névrotique et d’un surmoi étouffant. Elle est devenue aujourd’hui la gardienne des limites, du rappel à la loi et de la référence aux normes. Notre monde est submergé par la démesure transgressive qui cherche à noyer les frontières ainsi que les repères. La psychanalyse résiste aux tentations de tout autoriser, en pulvérisant ainsi l’ordre symbolique.

C’est notre façon d’être ensemble et de faire société, c’est ce qui fait de nous des êtres humains qui se trouvent au cœur de ce nouveau combat auquel les successeurs de Freud apportent une contribution indispensable.


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