N° 1216 | Le 2 novembre 2017 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

La fin de l’hospitalité

Guillaume Leblanc et Fabienne Burgère


éd. Flammarion, 2017, (239 p. – 18 €) | Commander ce livre

Thème : Immigration

L’antique valeur de l’hospitalité est née d’une impulsion vers l’autre, d’un désir de secourir celui qui est en péril, du choix de se laisser affecter par la menace pesant sur sa vie, de la conviction que toute existence est digne d’attention et de considération. Emmanuel Kant proclamait que la terre n’appartenant juridiquement à aucune nation, ni à aucun individu, personne n’a « originairement plus de droit qu’un autre à un endroit de la terre ». Mais, avec la modernité, les États-nations se sont appropriés les territoires, s’arrogeant la prérogative de décider qui doit y séjourner.
La conviction que le mélange est un enrichissement et que le monde des uns a besoin du monde des autres a laissé la place à la peur d’être contaminé et absorbé par autrui. L’étranger a cessé d’être un hôte que l’on prie d’entrer dans son foyer, en le magnifiant, pour devenir un gueux sans avenir, un intrus redouté, un envahisseur potentiel, un criminel en puissance, un fauteur de troubles virtuel qu’il faut éloigner, repousser, rejeter au loin. La migration est déchue de toute légitimité et réduite à une zone de désordre à assécher à tout prix. Elle est devenue la figure de l’altérité radicale repoussoir.
Mais l’hospitalité, acculée par le déni, voire transformée en délit, subsiste, parce qu’elle est pour partie indécidable. Elle renvoie à une perception de l’intolérable : « Nous sommes à ce point saisis à la gorge par une situation inhumaine que nous devenons hospitaliers malgré tout » (p. 85). Et ce sont aujourd’hui de simples citoyens qui apportent les soins appropriés à des vies vulnérables, face à un État préférant la politique sécuritaire à l’accueil universel.


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