N° 627 | Le 27 juin 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

L’évolution du métier de directeur d’établissement social

Roger Bertaux & Philippe Hirlet


éd. Seli Arslan, 2002 (184 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thème : Direction

Le « profil » des directeurs d’établissements sociaux est intimement lié à l’histoire du champ d’activité concerné. À la différence de nombreux cadres supérieurs du secteur économique et marchand, inspirés — ou plutôt aspirés — par des stratégies statutaires de distinction sociale par rapport à leurs subordonnés, les directeurs du social font preuve de plus d’humilité et d’un souci constant de ne pas se couper de leurs collaborateurs. Cela tient certainement, pour une part, à leur origine.

Nombre d’entre eux, en effet, sont issus de la base. Anciens travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés le plus souvent, ils ont accédé à un poste de direction par la voie de la promotion interne et ont de ce fait conservé une culture professionnelle singulièrement rattachée au « terrain ». Mais cet ancrage dans le travail social de base vient aussi d’un certain attachement à une vision égalitaire du monde en général et d’une conception critique d’une société qui a trop tendance à marginaliser les plus faibles et favoriser ceux que la naissance a privilégiés.

Aussi, la dimension militante et une préoccupation éthique centrée sur l’usager ne sont-elles pas absentes de la pratique quotidienne. Pour ceux d’entre eux qui ont obtenu le CAFDES (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement social), diplôme qui s’affirme de manière croissante comme passage obligé pour pouvoir diriger une structure d’action sociale, cet « habitus » professionnel n’est pas remis en cause car la formation insiste beaucoup, et de manière opportune, sur la méthodologie de projet et la nécessité d’un management participatif associant l’ensemble des agents de l’institution.

Cependant, la professionnalisation de la fonction de directeur, qui tend de ce point de vue à devenir de plus en plus un « métier » mobilisant des compétences indispensables (gestion, droit, stratégie, etc.), n’est pas sans influence sur l’évolution de l’activité des établissements. La séduction du modèle de l’entreprise privée, supposée dotée de l’efficience absolue, provoque certaines tentations quelque peu déviantes. Si la rationalisation des moyens est une nécessité, la mission sociale doit rester première ! Le risque gestionnaire, si on peut le dénommer ainsi, consiste à inverser l’ordre des priorités et à promouvoir une logique comptable comme une fin en soi et ce, aux dépens de la qualité du service rendu.

À l’heure où les contraintes budgétaires et autres diminutions de crédits sont invoqués à l’appui des restrictions en termes de moyens humains et matériels, on remerciera les auteurs de ce salutaire rappel à l’ordre.


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