N° 632 | Le 5 septembre 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’école des riches, l’école des pauvres

Nestor Roméro


éd. Syros, 2001, (180 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thème : École

En créant, au début des années 80, les zones d’éducation prioritaires, l’éducation nationale a inauguré une politique de discrimination positive : la mise à disposition de plus de moyens et de classes moins chargées visaient alors à lutter contre les inégalités. Vingt ans après, on ne peut que constater l’échec de cette politique. Dans les générations nées entre 1974 et 1977, 91 % des enfants de cadres sont bacheliers contre 45 % des enfants d’ouvriers.

Les premiers ont douze fois plus de chance d’obtenir un bac que les seconds. Le collège unique censé abolir les filières, voit en fait cohabiter des bonnes et des mauvaises classes (un quart seulement des établissements les composent de façon hétérogène) : les germanistes-anglicites-latinistes accèdent très naturellement en seconde ordinaire, là où les sections anglais-espagnol s’orientent plus fréquemment vers les cycles technologiques courts. Et quand les élèves issus de milieu populaire décrochent un bac, c’est souvent un bac professionnel. La démocratisation de l’école est donc, pour l’auteur, un leurre. L’école a évolué « non pour combattre les divisions sociales, mais pour y correspondre », affirmait avec justesse A. Prost (cité p.37).

Le choix est bien différent selon qu’on appartient à l’école des pauvres ou à l’école des riches : la première se résume à obtenir une qualification permettant de se placer dans l’échelle des tâches d’exécution. Seule l’école des riches permet de placer l’activité professionnelle au service de l’épanouissement individuel. L’échec de la politique des ZEP est lié, pour l’essentiel, au fait que les collèges ont continué à être organisés selon le principe de la compétition, de la sélection et de l’orientation, avec comme outil principal, la note qui permet de départager dans la performance, les meilleurs. On n’est pas loin de cette école libérale rêvée par certains qui conçoit l’enfant comme avant tout une ressource humaine qu’il faut conformer, et sélectionner pour la faire correspondre aux besoins du marché du travail.

Toute autre est l’ambition de l’auteur, pour qui l’école doit permettre à l’enfant « de devenir l’auteur de l’histoire de sa propre vie » (T. Litt, 1921, cité p. 151). Elle doit éveiller le désir de faire et donner les moyens de maîtriser les savoirs pour réaliser ce désir, et ce en valorisant les capacités spécifiques de chacun. Fermer les zones d’éducations prioritaires qui sont devenues des ghettos pour pauvres, rétablir l’hétérogénéité sociale et en finir avec la pédagogie « je parle, tu écoutes » : telles sont les perspectives proposées ici. Si un tel projet nécessite une volonté politique forte, il se heurte au corps enseignant, qui malgré la minorité militante en son sein qui a démontré depuis des décennies la pertinence des méthodes pédagogiques actives, reste globalement hostile à la transformation sociale.


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