N° 939 | Le 3 septembre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’échec scolaire des enfants de migrants

Martine Chomentowski


éd. L’Harmattan, 2009 (244 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thème : École

Les statistiques le démontrent clairement : les enfants de migrants rencontrent plus de difficultés à l’école que ceux ayant des parents non immigrés. Plus qu’ailleurs on y trouve des troubles de l’attention, de la mémorisation, du raisonnement, de la concentration, de la capacité de synthèse et du potentiel d’écoute. L’auteure nous propose ici une démonstration implacable des causes de ces dysfonctionnements.

Elle commence par rappeler que si l’échec scolaire marque l’incapacité d’un individu à acquérir les connaissances et compétences assignées à sa classe d’âge, il est tout autant caractérisé par les conséquences de l’impossibilité de l’institution à les lui faire acquérir ! Tout enfant attend des modalités d’apprentissage proches des représentations qu’il reçoit de son milieu d’appartenance.

Or, s’il y a proximité sémantique entre la culture familiale et les rencontres conceptuelles proposées par l’école pour les enfants occidentaux, il n’en va pas de même pour les enfants étrangers. L’enseignant, quant à lui, attend un élève prêt à apprendre tel qu’on le lui a décrit ou tel qu’il le conçoit à la lumière de son expérience. Le refus de prendre en compte tout particularisme culturel l’empêche de comprendre une absence de motivation qu’il attribue à de la mauvaise volonté, à des déficits, voire à l’origine ethnique. Il ne s’agit pas là du produit d’une quelconque carence ou déficience mais bien le résultat d’une situation de transculturalité.

La personnalité de l’enfant se structure à partir des concepts de sa langue et de sa culture d’origine. L’obligation dans laquelle il se trouve de les abandonner pour en adopter d’autres le contraint à adopter des traductions et adaptations qui vont appauvrir son appréhension du monde. Ce que tous les linguistes reconnaissent comme un enrichissement, quand l’élève connaît l’anglais, l’allemand ou le japonais, apparaît comme un handicap, quand il parle l’arabe, le bambara ou le soninké. Au rejet de ce bilinguisme, se rajoutent les incompréhensions culturelles. La conjugaison des temps ne se vit pas de la même façon quand on en a une perception linéaire (occident) ou circulaire (comme en Afrique).

La place des ancêtres ou celles des êtres invisibles jouent un rôle essentiel dans la construction identitaire des jeunes issus de l’immigration… Sauf à l’école. Le savoir magnifié dans notre société passe dans les sociétés traditionnelles après la capacité d’intégration des règles qui se transmettent de génération en génération. Accéder à l’écrit, à sa richesse et à la force de son message n’est pas toujours facile quand on vient d’une famille de tradition orale. Sans prise en compte didactique de ces caractéristiques ethniques, la lutte contre l’échec scolaire connaîtra encore longtemps l’insuccès.


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