N° 770 | Le 20 octobre 2005 | Claude Sigala | Critiques de livres (accès libre)

Journal d’un instituteur en garde à vue

Antony Bernabeu


éd. Calmann-Lévy, 2005 (168p. ; 14 €) | Commander ce livre

Thème : Abus sexuel

Voilà un bouquin que devrait lire tout éducateur pour savoir et comprendre que dans notre profession tout peut arriver et basculer dans le pire, d’un jour à l’autre. Un matin la gendarmerie débarque dans le village et place en garde à vue l’instituteur « pour viol et agression sexuelle sur un mineur de moins de quinze ans » suite au signalement d’une assistante sociale qui a entendu un enfant de 3 ans et ses parents : cet enfant est dans l’école (en maternelle) que dirige Antony.

Commencent les perquisitions, les interrogatoires et la machine se met en marche balayant tout sur son passage. Mais « n’y a-t-il pas de fumée sans feu ? » : il n’y a pas besoin de preuves pour envoyer un innocent en prison. Heureusement l’Éducation nationale le soutient malgré un curieux commentaire de l’inspecteur d’académie : « C’est un accident, comme vous auriez pu en avoir un au volant de votre voiture » ! Heureusement encore : les médias ne sont pas informés. Devant les incohérences du dossier le juge d’instruction ne le mettra pas en détention préventive et Antony sera reconnu innocent de l’accusation N’empêche le mal est fait sur la famille, sur ses enfants. La réputation, l’intimité, l’honneur : tout en prend un sacré coup.

« Je n’accepte pas que l’on ait sali aussi facilement ma famille : mes jours et mes nuits sont gâchés par cette affaire. Je n’accepte pas que mes enfants aient tant souffert du métier de leur papa… Mon honneur, mon intégrité sont souillés à jamais… Je n’accepte pas qu’il soit aussi simple de pointer du doigt un individu et que celui-ci ne puisse pas obtenir réparation. Car l’arrestation est publique, mais le résultat de l’enquête et toute forme de réhabilitation ne le sont pas. » Bien entendu le gamin est lui aussi victime de cette affaire : il a dû subir plusieurs examens médicaux « destinés à prouver que les divagations de ses parents n’en étaient pas » et dans l’enquête le terme de viol est remplacé par celui « d’anus irrité ». N’empêche que l’OPJ précise que l’enfant a dix ans après sa majorité pour porter plainte, ce qui signifie que l’affaire pourrait être rouverte jusqu’en 2029 !

De son côté Antony est profondément atteint dans le quotidien de sa profession : il ne supporte plus que les maternelles l’appellent par son prénom. « Depuis ma garde à vue, je refuse de soigner l’un d’entre eux lorsqu’il se blesse de peur que certains gestes soient mal interprétés. » Quel gâchis !

La conclusion est terrible et sans appel ! « La justice ne m’a toujours pas signifié officiellement ma mise hors de cause. L’affaire n’est toujours pas close, dans mon esprit non plus. Je suis désormais un instit mis en cause dans une affaire de pédophilie. Il en va de même pour notre petite école et son équipe enseignante. Quelque chose s’est définitivement cassé en nous. Peut-être notre idéal, notre foi en ce métier ? ».

Merci à Antony Bernabeu d’avoir osé écrire ce journal. Pour le remercier de son ouvrage et le soutenir, lisez son livre en évitant bien entendu toute parano.


Dans le même numéro

Critiques de livres