N° 1144 | Le 26 juin 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Je peux écrire mon histoire

Abdulmalik Faizi, Frédérique Meichler et Bearboz


éd. Médiapop, 2014 (195 p. ; 16 €) | Commander ce livre

Thème : Immigration

Ils traversent la moitié du monde pour venir dans nos pays. Chassés par la guerre civile, la misère, la faim ou tout simplement en quête d’un avenir, tant le leur est compromis, ils prennent la route, franchissent les montagnes et traversent les mers. Affrontant les pires dangers, menacés de se perdre, de se noyer ou de se blesser, risquant l’agression, voire la mort, confrontés au racket, aux mauvais traitements, à l’enfermement ; leur détermination est sans faille. Une fois arrivés, ils vont déployer l’énergie qu’ils ont utilisée pour franchir tous les obstacles accumulés sur leur route, mais cette fois-ci en l’investissant dans une insertion tant culturelle que professionnelle.

Faisant preuve d’une étonnante capacité d’intégration, ils impressionnent les enseignants par leur volonté d’apprendre, ils fascinent les éducateurs par leur capacité à apaiser un groupe d’internat, ils confrontent les souffrances des adolescents accueillis au récit des expériences terrifiantes vécues. Mineurs, ils sont accueillis tant bien que mal par les services socio-éducatifs. Une fois dix-huit ans révolus, malgré des efforts le plus souvent admirables pour faire leur place en apprenant rapidement le français et en passant des diplômes, c’est une ordonnance de reconduite à la frontière qui les menace à tout moment.

Les récits de ces mineurs étrangers isolés sont rares et donc précieux. Celui que nous propose Faizi Abdulmalik est à la fois surréaliste et étourdissant. À suivre son incroyable périple depuis son Afghanistan natal où toute sa famille a été massacrée par les Talibans, jusqu’au lycée Charles-Stoessel à Mulhouse, on mesure la force, le courage et la détermination qui lui a fallu pour surpasser les épreuves endurées.

Passant de main en main, de réseaux en passeurs, sur terre comme sur l’eau, il a fini par y arriver. Pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance comme mineur puis comme jeune adulte, il garde de son séjour en établissement le souvenir étonné de ces jeunes Français se vantant de voler et rejetant ce qui lui apparaît à lui, pourtant, comme une formidable chance : aller à l’école !

L’intervention institutionnelle est allée jusqu’au bout de ce qu’elle pouvait faire. Confronté à la rue, Faizi Abdulmalik va bénéficier de la solidarité citoyenne d’hommes et des femmes de bonne volonté pour qui ne pas aider ce jeune venu de l’autre bout du monde n’était pas concevable. Aujourd’hui, il a pu enfin décrocher un titre de séjour provisoire. Il a décidé de rédiger un récit autobiographique, grâce à l’aide de Frédérique Meichler, journaliste au quotidien L’Alsace. Le puzzle de ses neuf mois d’errance ainsi reconstitué, magnifiquement illustré par le dessinateur Nearboz, donne la mesure de ce qu’affrontent ces mômes, forçant l’admiration et le respect.


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