Hébergement : les associations refusent le tri des personnes migrantes

Aussitôt entrées, aussitôt parties : plusieurs associations du secteur social et médico-social ont claqué la porte du ministère de l’intérieur vendredi lors de la présentation d’une circulaire visant à envoyer dans les centres d’hébergement des « équipes mobiles ». Lesquelles auraient pour mission de contrôler la situation administrative des personnes hébergées, dans un contexte de saturation des centres, afin d’en sortir les personnes sous statut Dublin ou déboutées du droit d’asile. Ces contrôles seraient opérés par des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et des préfectures.

Les représentants associatifs, dans un « front commun » contre la politique gouvernementale, ont vivement réagi sur les réseaux sociaux, notamment Twitter. « Le principe d’accueil n’est pas négociable » a simplement rappelé Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France. « La seule solution humaine et pragmatique à la saturation des centres d’hébergement est une démarche significative de régularisation des familles dublinées/déboutées vivant en France depuis plusieurs années » estime Bernard Thibaud, secrétaire général du Secours catholique.

Des brèches dans le droit d’asile

Plus offensive encore, l’association Médecins du monde s’adressait hier, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’Homme, au président Emmanuel Macron. « Au-delà des postures, vous organisez le tri entre les sans-abri, vous harcelez les migrants à Calais et ailleurs, vous poursuivez les citoyens solidaires. Vous vous apprêtez à ouvrir des brèches dans le Droit d’asile. Difficile de célébrer ce jour ».

Le ministère de l’intérieur, lui, ne voit aucune entorse au principe d’inconditionnalité, en estimant que cette mesure vise à mettre à l’abri les personnes vulnérables, et que « ce droit à la mise à l’abri ne peut s’exercer que si l’État connait la situation individuelle et les besoins des personnes hébergées ». Il précise qu’il ne sera « pas demandé aux travailleurs sociaux ou aux associations qui gèrent les centres d’hébergement de faire le travail de l’État ». Mais un courrier du préfet de Haute-Savoie envoyé aux gestionnaires des dispositifs d’hébergement d’urgence, qui demande la liste nominative des personnes hébergées en vue d’assigner à résidence ceux qui n’ont plus le droit au séjour en France, prouve le contraire.

Vers plus de squats et de campements

Dans un communiqué commun, une vingtaine d’associations rappellent que « les services de police ne peuvent intervenir dans les centres d’hébergement en dehors de l’application d’une décision de justice ». Elles préviennent qu’un renforcement des contrôles va éloigner les personnes les plus précaires des centres et favoriser « la reconstitution de squats et campements indignes ».

Enfin, elles pointent la situation des personnes « dublinées » - pour qui la demande d’asile doit être étudiée dans le premier pays où les empreintes digitales ont été relevées - dont l’État souhaite renforcer le renvoi hors des frontières. Jeudi, une proposition de loi du député Les Constructifs Jean-Luc Warsmann, visant à les enfermer légalement en centre de rétention, a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

La Cimade s’est dite « scandalisée » car « jamais aucune régression de cette ampleur n’a été envisagée par le législateur. Depuis leur ouverture en 1984, les centres de rétention n’ont pas été pensés pour enfermer préventivement, mais pour permettre à l’administration d’exécuter une mesure d’éloignement du territoire. Le changement envisagé fait basculer le régime de la rétention dans un autre registre, dangereux et attentatoire aux libertés individuelles ».

Extraire les personnes « dublinées » des centres d’hébergement, les placer en centres de rétention, puis les renvoyer hors de France : la stratégie gouvernementale s’accélère, mais l’opposition associative s’amplifie.